Retour sur notre rencontre avec Toshihiro Kawamoto, chara-designer et co-fondateur du Studio BONES.
C’est à l’occasion de Made in Asia, que Shad’ a eu la chance de rencontrer l’un des prestigieux invités venus pour l’occasion. Fan des travaux de Mr Kawamoto(notamment de Cowboy Bebop et Wolf’s Rain), il est allé lui poser quelques questions, accompagné pour l’occasion de Maritan (fan également). Et oui, il fallait bien que l’un de nous deux restent sur le stand pour bosser pendant que certains prenaient du plaisir à rencontrer ce grand monsieur de l’animation ! Retour donc sur cette belle rencontre.
Interview
Bonjour Mr. Kawamoto. Tout d’abord merci d’avoir accepté de nous rencontrer, nous sommes ravis d’avoir la chance de vous poser quelques questions.
Moi de même. Merci d’avance pour cette interview.
![Studio BONES]()
Studio BONES
Visuel © www.paoru.fr/
Pour commencer, pouvez-vous nous parler brièvement de vous ?
Je suis Toshihiro Kawamoto, invité de Made in Asia 2014. C’est d’ailleurs la deuxième fois que je viens en Belgique. Je fais partie du studio d’animation japonais BONES et durant ma carrière j’ai notamment pu travailler sur des séries comme Golden Boy, Cowboy Bebop, Wolf’s Rain ou plus récemment sur Noragami. Sinon j’ai une double casquette puisque je suis à la fois chara-designer et animateur.
On parle assez souvent de ce métier sans trop le connaître. Alors, une fois pour toute, en quoi consiste le métier de chara-designer ?
Quand on parle de chara-designer c’est un terme assez large car cela consiste à créer des personnages pour des jeux vidéos, pour des animes ou simplement des mascottes pour des produits dérivés. Mais pour faire simple, un chara-designer est la personne qui crée un visuel, un personnage, qui pourrait intéresser le public. Dans le milieu de l’animation, un chara-designer doit savoir créer un personnage et travaille aussi avec une équipe composée souvent d’une dizaine de personnes afin de trouver comment faire vivre et ensuite animer ce personnage.
Pouvez-vous nous parler des raisons qui vous ont poussé à créer le studio BONES avec Masahiko Minami et Hiroshi Ousaka ?
À l’époque on travaillait ensemble sur la série Cowboy Bebop produite par le studio SUNRISE. Masahiko Minami, producteur de la série, a alors émis le souhait de créer une société et de devenir indépendant. Il m’a donc proposé à moi et à Hiroshi Ousaka, animateur sur Cowboy Bebop, de créer, ensemble, le studio que vous connaissez sous le nom de BONES.
Quinze ans après avoir créé BONES, quel regard portez-vous sur les œuvres produites ?
En raison de son statut de studio indépendant, la volonté initiale du studio BONES était de faire vivre des créations originales. Malheureusement, à notre époque, nous n’avons pas toujours l’occasion de faire uniquement ce que l’on a envie de faire et nous sommes obligés de faire avec certaines contraintes. Parfois, par exemple, nous avons envie de faire des séries plus longues mais nous sommes obligés de les faire courtes. Malgré ça, je constate qu’au bout de quinze ans, et malgré le fait que l’on soit un studio indépendant, le nom BONES est connu, même à l’étranger. Et si au début on faisait des œuvres pour un tout petit marché, maintenant nos œuvres touche le grand public . Çà me conforte dans le choix de certains de nos titres. Aujourd’hui, je sais qu’on a eu raison de les faire.
![Cowboy Bebop Movie]()
Couverture du film
Cowboy Bebop
Comment ne pas parler de Cowboy Bebop qui a connu un grand succès, même à l’international. Qu’est-ce que cette œuvre a changé pour vous ?
La série a en effet été un très grand changement pour moi. Je peux même dire que, depuis Cowboy Bebop, je suis plus souvent invité lors de salons étrangers comme c’est le cas aujourd’hui à Made in Asia. Ce titre peut être vu comme une œuvre représentative de ma carrière. Et je sais qu’un tel titre est un véritable avantage lorsque l’on parle de ma filmographie. Mais en plus d’être un grand changement, cette œuvre est aussi un moteur pour moi car à chaque fois que je fais une nouvelle série, j’ai la volonté de faire mieux que Cowboy Bebop. Mais c’est quand même difficile de l’égaler !
Vous avez été chara-designer sur des séries adaptées d’œuvre déjà existantes comme Golden Boy mais aussi sur des œuvres originales comme Wolf’s Rain. La façon de travailler est-elle identique ? Est-ce plus difficile de se baser sur une œuvre ou de l’inventer intégralement ?
Quand on adapte une œuvre existante, il y a plusieurs manières de le faire. Soit on propose une adaptation très fidèle à l’œuvre originale soit on prend une part de liberté un peu comme l’a fait Mamoru Oshii avec Urusei Yatsura Beautiful Dreamer. Dans mon cas, j’ai toujours pu travailler avec des réalisateurs qui souhaitaient rester fidèles à l’oeuvre originale . Quand on travaille sur une œuvre originale c’est difficile car on doit tout créer. Mais adapter à partir d’un manga déjà existant l’est tout autant car il ne faut pas détruire l’image que les fans ont de ce dernier. Il faut donc garder l’essence même de l’œuvre originale et lui faire honneur. Bien que les difficultés ne soient pas du même ordre, elles sont à chaque fois présentes. Il est donc important de travailler avec sérieux lorsque l’on souhaite faire de grandes œuvres.
En règle générale, quand je suis choisi en tant que chara-designer, je sais qu’on s’attend à ce que je sois fidèle et que je garde l’essence de cette œuvre. Dans le milieu, je suis d’ailleurs reconnu comme quelqu’un étant capable de faire de la reconstitution de l’œuvre originale et je pense qu’il s’agit de mon point fort. Tout à l’heure, j’ai dit qu’il existait des chara-designers qui adaptent, souvent c’est pour facilité le travail des animateurs, simplifiant ainsi les personnages originaux. Mais moi je conserve vraiment très fidèlement le design des personnages pour garder la touche de l’oeuvre originale, même si ça entraîne des difficultés pour les animateurs. Je pense d’ailleurs que je suis reconnu pour cet aspect de mon travail et j’essaie donc de répondre aux attentes de l’équipe. D’ailleurs j’ai un surnom au Japon dont j’ai envie de vous parler. En effet, il existe chez nous ce qu’on appelle des « itakos », ce sont des chamanes qui parlent avec les morts. Et souvent on dit que j’en suis un car je suis capable de faire parler les œuvres originales.
En 2010, vous avez d’ailleurs travaillé sur Heroman, d’après l’œuvre de Stan Lee. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?
Sur Heroman, je n’étais pas chara-designer mais l’un des animateurs principaux. Je me souviens, lors de ma seule rencontre avec Stan Lee, dans ses bureaux à Los Angeles, j’ai été très étonné car sous son apparence de papy, c’est une personne extrêmement énergique. Malgré son âge, c’est quelqu’un qui a beaucoup de pêche et surtout un exemple à suivre en tant que créateur !
![Noragami]()
Noragami
Vous avez également travaillé sur Noragami (Character Design, Chief Animation Director) dont la diffusion a débuté en ce début d’année. Que pouvez-vous nous dire sur cette série ?
Comme pour Heroman, Noragami est une adaptation, d’après l’œuvre de Tokâ Adachi, publiée dans le Monthly Shônen Magazine, d’ailleurs toujours en cours. Là encore, si l’on m’a choisit, je pense que c’est pour que la série soit fidèle à l’œuvre originale et c’est donc l’objectif que je me suis fixé. Je pense qu’il suffit de comparer avec le manga pour voir à quel point le design des personnages est juste et fidèle. Copier le dessin de l’auteur est très difficile donc je me suis rapidement demandé combien d’animateurs auraient le niveau pour adapter fidèlement cette œuvre. C’était donc pour moi un autre objectif : parvenir à trouver comment, avec les animateurs, faire honneur au trait de Tokâ Adachi.
Vous avez énormément de casquettes et vous avez d’ailleurs travaillé, si je ne m’abuse, sur l’opening du jeu PS2 Tales of the Abyss sorti en 2005. Est-ce différent de travailler sur un jeu vidéo ?
Quand on travaille sur le générique ou l’animation d’un jeu vidéo, le travail n’est pas différent car finalement c’est la même chose que pour une série animée. La seule différence réside cependant dans l’intrigue du jeu vidéo. Si je dois donner mon avis personnel, je prends plus de plaisir à travailler sur une série car à mon sens il y a souvent une vraie histoire de fond.
Merci Mr. Kawamoto de nous avoir accordé un peu de votre temps et d’avoir répondu à nos questions. Pour terminer, auriez-vous un message à faire passer au public ?
Si j’ai eu la chance de pouvoir venir aujourd’hui en Belgique c’est grâce à des belges qui ont pris du plaisir à regarder les œuvres sur lesquelles j’ai travaillé. C’est pourquoi je tiens à les remercier énormément, je ne trouve d’ailleurs pas les bons mots pour exprimer mes remerciements. Donc tout d’abord je voudrais dire un grand merci aux belges. Je compte bien continuer à travailler pour faire des œuvres intéressantes et j’espère que le monde entier va prendre du plaisir à découvrir les séries animées japonaises. J’espère qu’elles vont continuer à franchir les frontières. Enfin, j’espère avoir la chance de vous revoir et de revenir en Belgique car j’aime beaucoup le peuple belge et la ville de Bruxelles. Merci beaucoup !
![Interview de Toshihiro Kawamoto]()
Un grand merci tout particulier à Mr Kawamoto, qui s’est prêté au jeu de nos questions/réponses, à la traductrice, à Mme Hasegawa et à l’équipe de Made in Asia pour avoir rendu cette rencontre possible. Mais aussi à Maritan pour avoir accompagné mon chéri !
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