Je pense que tout lecteur connait cette sensation lorsqu’il termine une série qu’il affectionne : d’un côté on se réjouit de voir une belle aventure aboutir, et de l’autre on est triste de quitter de manière définitive un univers et des personnages auxquels on s’était attaché. Et lorsque j’ai fermé le dernier volume du manga Pandora Hearts, cette étrange sensation était bien présente. Retour sur une série débutée en 2010 aux éditions Ki-oon et qui cache beaucoup plus de potentiel que l’on ne pourrait le croire.
Pour être honnête, j’ai mis un petit moment avant de m’y mettre. Lancé en grande pompe par son éditeur, Pandora Hearts ne m’a pas attiré tout de suite car je n’y voyais qu’une énième série pour midinettes surfant sur la mode gothic, bourrée de bishōnens et usant encore une fois de références à l’univers d’Alice aux Pays des Merveilles (visiblement, les japonais sont à fond sur cette œuvre…).
Cependant, ayant malgré moi succombé à la patte graphique de la mangaka Jun MOCHIZUKI (comme quoi, je peux me laisser séduire par la forme avant le fond), j’ai été agréablement surpris de découvrir une histoire relativement bien écrite et aux protagonistes intéressants. Mais faisons les choses dans l’ordre :
Pandora Hearts nous raconte la quête d’Oz, un jeune garçon condamné à être jeté dans l’Abysse, une sorte de dimension parallèle où le cours du temps est complètement différent et où il devra errer pour l’éternité. Malheureusement pour notre héros, les lieux sont aussi habités par des Chains, créatures avides d’âmes humaines (un plat visiblement très prisé par tout monstre de fiction, ça doit vraiment avoir bon goût…). Avec l’aide d’une Chain nommée Alice (une jeune fille qui cache l’apparence d’un sanguinaire lapin noir), il va réussir à s’échapper pour retourner dans le monde réel afin de découvrir les raisons de sa condamnation.
Au fil de ses découvertes, il fera la connaissance de nombreux protagonistes tous plus ou moins liés à l’Abysse. Mais surtout, il tentera de percer le mystère de la Tragédie de Sablier, un évènement majeur survenu il y a 100 ans et qui semble receler bons nombres de réponses.
A la lecture de ce synopsis, on est en droit de s’attendre à une série shônen classique dans la pure tradition du genre. Toutefois, Pandora Hearts parvient à sortir du lot car dispose de pas mal d’atouts dans son jeu.
Commençons par la base. Ce manga est beau. Que l’on soit sensible ou non au style de la dessinatrice, c’est pour moi un fait difficilement contournable. Il y a un soin tout particulier accordé à la mise en page qui rend les scènes lisibles et fluides. De ce fait, les émotions des personnages sont très bien retranscrites. Ces derniers sont assez nombreux mais disposent de looks facilement identifiables pour que, malgré un charadesign assez uniforme, ont sache toujours à qui on a affaire. Note spéciale pour les différentes tenues et costumes, on est face à un véritable défilé et on sent que la mangaka s’est fait plaisir (et les cosplayers doivent sans doute la remercier pour ça).
Seul reproche éventuel, les décors sont souvent aux abonnés absents. Si l’auteure prend bien le temps de situer les protagonistes, une fois fait, les planches sont la plupart du temps assez vides. Un détail qui ne gâche en rien la lecture ou la mise en scène, mais je me devais de l’indiquer par soucis d’honnêteté.
Quant au fond, c’est clairement sur ce point que le manga m’a particulièrement plu. En relisant la série d’une traite, on sent une vraie maîtrise de l’univers proposé et aucun détail n’est laissé au hasard. La narration est principalement construite autour des relations entre les personnages. Ainsi la mangaka tente de développer chacune d’elles en abordant des thèmes divers et variés : amour, amitié, loyauté, fascination… Il y a vraiment de tout. Et c’est selon moi la force de ce titre : arriver à faire interagir autant de personnages sans tomber dans la redite ou les doublons. Un sacré tour de force qui ne fait que renforcer l’attachement du lecteur pour les protagonistes.
Enfin, j’ai trouvé l’univers de Pandora Hearts très cohérent avec lui-même. S’il y a peut être quelques faiblesses d’écritures par moment (surtout pour maintenir artificiellement une forme de suspense sur certains évènements ou personnages), on sent la volonté de proposer un récit avec ses propres codes et règles. L’histoire a son lot de moments forts, on se surprend alors à mieux comprendre certains choix (les références à l’œuvre de Lewis CAROLL ne sont pas si anodines que ça) et j’irai même jusqu’à dire que certaines révélations finales sont assez culottées. Bref, une très bonne surprise qui rend mon affection pour ce manga d’autant plus grande.
Après, il y a néanmoins quelques petits défauts. Le principal selon moi est que le traitement des personnages n’est pas toujours très équilibré. Par exemple, Gilbert (le valet d’Oz, visiblement gros chouchou de la mangaka) est beaucoup trop présent et lié à trop d’histoires parallèles pour que cela reste toujours crédible. De ce fait le développement des autres personnages est parfois très en retrait (principalement les Baskerville) ou trop étalé sur le récit. A l’image du personnage d’Echo qui est développé trop tardivement et qui perd ainsi beaucoup en intérêt.
Enfin, même si ce n’est pas un problème en soit, j’ai parfois tiqué sur le côté crypto-gay non assumé de l’œuvre. Clairement, pour une histoire composée à 75% de personnages masculins (et beaux de surcroit), je trouve que ça se tripote un peu trop parfois (oui Vincent c’est de toi que je parle, arrête de toucher ton frère comme ça, c’est gênant…). Pour autant, il n’y a pas un seul couple gay officiel dans l’histoire. J’ai cru comprendre qu’il s’agissait souvent de contraintes éditoriales, mais du coup c’est plus du fan service et cela apporte peu au niveau de la trame. Et quand on voit la multitude de relations que la mangaka a choisi de développer dans son univers, c’est étrange (vu le contexte) d’avoir complètement fait l’impasse sur une relation de ce type. Je n’ai ma foi peut être pas toutes les cartes en main pour expliquer cela…
Mais il s’agit là d’éléments minimes qui n’entachent en rien le plaisir du lecteur. Avec ses 24 tomes et sa conclusion plutôt réussie, Pandora Hearts est une belle et bonne série qui peut fièrement trôner sur votre étagère et que vous pouvez recommander sans honte. Facile à lire et très agréable à regarder, encore une bonne pioche pour l’éditeur Ki-oon qui possède avec ce titre, une des meilleures séries de son catalogue.
Et pour illustrer le tout, voici Elliot, sans aucun doute mon personnage préféré °^°
