A quelques semaines de la fin de l’année, et tandis que le mois de Décembre s’annonce plutôt tranquille niveau manga, il est temps de faire le point sur un cru 2013 étonnamment riche. Bonne lecture à tous.
Les Nouveautés :
Alors que je trouvais que le marché stagnait, 2013 aura mis à mal toutes mes certitudes : cela faisait longtemps que les nouveautés ne m’avaient pas autant enthousiasmé, que ce soit par leur qualité mais aussi leur diversité. Rarement les éditeurs auront publié autant de josei, alors que cette catégorie est connue pour ne pas faire recette auprès du public français ; sachant cela, nous pouvons vraiment y voir une volonté de mettre en avant des coups de cœur au-delà de toute logique commercial, et en tant que lecteur, je ne peux que les féliciter pour cela. Des titres comme Ane no Kekkon, Kamakura Diary, ou Kids on the Slope n’avaient que peu de chances d’arriver jusqu’à nous, et de telles initiatives font plaisir même si, comme prévu, le succès n’est pas au rendez-vous.
Toujours parmi les surprises, l’anthologie Moto Hagio proposée par Glénat fût aussi plaisante qu’imprévue. Les critiques sont excellentes, mais les ventes ont-elles suivi ? Je l’espère, même si j’en doute un peu. En tout cas, l’initiative est louable.
Cette année aura été celle de plusieurs nouveautés attendues : Steel Ball Run, Silver Spoon – La Cuillère d’Argent, Assassination Classroom (que je ne lis pas), et L’Attaque des Titans (que j’ai commencé en import US).
Toutefois, parmi les titres dores et déjà annoncés pour 2014, aucun n’a encore retenu mon attention.
Les Rééditions / Reprises :
Par rapport aux années précédentes, j’ai l’impression que les éditeurs ont moins cherché à valoriser leurs fonds de tiroir avec des rééditions plus ou moins prestigieuses. Soit le filon a fini par se tarir – les mauvais chiffres de la nouvelle version de Hikaru no Go iraient dans ce sens – soit ils n’ont plus rien de porteur à nous proposer. Mais notons la publication très attendue chez Tonkam de Stardust Crusaders, la 3ème saison de Jojo’s Bizarre Adventure. Pourquoi la troisième et pas la première ? Aucune idée. L’éditeur avait bien promis de la sortir en intégralité pour la Japan Expo, mais nous attendons toujours. Croisons les doigts pour 2014.
Concernant les reprises, Pika a surpris son monde en remettant Gundam The Origin sur les rails (aucun tome n’avait été publié en 2012). Nodame Cantabile est repassé à un rythme d’un tome par semestre (un seul en 2012), et Kana a réussi cette année à publier 3 tomes de Hunter x Hunter (contre 2 en 2012), ce qui n’était plus arrivé depuis 2006 !
Fins de manga :
Classé parmi les meilleures ventes en France depuis plusieurs années, Negima a tiré sa révérence.
Beaucoup moins vendeur, du moins en France, Prince du Tennis s’achève à son tour en Décembre, après avoir vu son rythme de publication diminuer drastiquement ; une preuve de plus s’il en fallait qu’un succès au Japon ne se concrétise pas forcément à l’étranger, et je doute dans ces conditions de voir Kana publier la suite.
Toujours en Décembre, Prophecy, le dernier manga à succès de Tetsuya Tsutsui, s’arrête au bout de 3 volumes.
Fait étrange : après avoir été subi plusieurs retards, Otomen se termine d’un coup avec la sortie simultanée de ses deux derniers tomes. Peut-être une façon d’enterrer symbolique l’association Delcourt / Akata.
Les Éditeurs :
¤ Akata : Contrairement à ce que nous pourrions penser, Akata n’est pas un des labels manga de Delcourt, mais un prestataire de service chargé notamment de sélectionner des titres pour l’éditeur. Lequel choisit ceux qu’il souhaite publier ou non. Néanmoins, Delcourt communique peu sur son catalogue manga, laissant faire l’équipe d’Akata – en particulier sur les réseaux sociaux – alors que cela ne fait pas partie de leurs attributions. Le soucis, c’est qu’il leur arrive de devoir justifier des décisions prises par l’éditeur, et cela crée une confusion quant aux rôles de chacun. A partir du 1er Janvier 2014, cela sera clair : en effet, Delcourt n’ayant pas renouvelé le contrat avec Akata, ce-dernier devient un éditeur indépendant (même s’ils ne pourront publier leurs propres manga qu’en Juillet 2014). C’est Pierre Valls, un ancien de chez Pika connu pour avoir l’arrêt de commercialisation facile, qui prend en charge le catalogue manga conçu par Akata pour le compte de Delcourt. Reste à voir quelles seront les conséquences concernant la communication, et surtout la survie des titres qui n’ont pas réussi à trouver leur public jusqu’à présent. Quoi qu’il en soit, je souhaite bonne chance à Akata en tant qu’éditeur, et je suis impatient de savoir quels titres ils auront à nous proposer.
¤ Bons points :
- Pika s’est trouvé une nouvelle façon de communiquer, beaucoup plus clair, et en a profité pour faire des annonces inattendues : publication de Chihayafuru et Space Brothers, soit deux titres adultes en décalage avec leurs séries habituelles, reprise de Gundam the Origin malgré de faibles ventes,… J’ignore si l’arrivée de Kim Bedenne et le départ de Pierre Valls ont un rapport avec ces changements, mais l’éditeur est sur la bonne voie. Il ne leur reste plus qu’à soigner un peu plus leurs traductions et leurs éditions, à augmenter le rythme de Nodame Cantabile, et à annoncer UQ Holder, et là nous pourrons dire qu’ils ont fait des progrès.
- Glénat n’a pas encore lâché sa collection « vintage », comme le prouve sa superbe anthologie Moto Hagio. Pour un éditeur dont je n’attendais plus grand chose dernièrement, il s’agit d’une excellente chose.
- Black Box, nouvel éditeur sur le marché, nous a surpris avec des titres inattendus. En privilégiant pour le moment des séries dont les droits ont été récupérés par leurs auteurs, ils annoncent être rentables avec de faibles tirages, ce qui les autorise à publier des manga de niches et/ou confidentiels. Par contre, déception du côté de Go Nagai, qui d’après l’éditeur aurait souhaité ne pas vendre ses œuvres à l’étranger, dans la mesure où il gagne déjà suffisamment d’argent…
- J’ai longtemps considéré Panini comme l’archétype de l’éditeur venu au manga par pur opportunisme, juste pour profiter de cette nouvelle manne ; dans ces conditions, il ne fallait pas s’étonner le voir minimiser ses prises de risque et arrêter les séries en mal de lecteurs. Mais entre le maintien vaille que vaille de Princesse Kaguya et la publication de Ane no Kekkon malgré son échec annoncé, j’ai l’impression qu’il a commencé à changer, pour le meilleur. Une confirmation en 2014 ?
- Ki-oon, jusque-là spécialisé dans le thriller et le fantastique superficiel, semble vouloir s’offrir une crédibilité depuis l’achat de Bride Stories. Au programme : une collection haut-de-gamme pour lecteurs de manga occasionnels, la réédition des histoires courtes de Tsukasa Hôjo, et deux nominations à Angoulême pour Cesare et Goggles.
- Kana, Kurokawa, et Taifu poursuivent leur petit bonhomme de chemin, je n’ai décidément aucun reproche à leur faire à ces trois-là.
¤ Mauvais points :
- Si Tonkam continue à nous combler avec Jojo’s Bizarre Adventure et ses rythmes de publications incompréhensibles, l’éditeur – plus que jamais filiale de Delcourt – ne va certainement pas bien. En manque de séries à succès, il a passé au pilon la majeure partie de son catalogue cette année, dont un nombre conséquent de titres historiques du marché français. Le tout avant de se fendre de quelques déclarations surréalistes sur les réseaux sociaux, selon lesquelles seules les personnes les suivant sur ces mêmes réseaux étaient leurs « véritables » lecteurs. Il ne faudrait pas qu’il nous claque entre les doigts avant la fin de Diamond is Unbreakable.
- Kaze Manga donne déjà des signes de fatigue, malgré ses ambitions démesurées et le soutien d’un groupe international. Après avoir laissé Assassination Classroomà Kana et effectué des coupes franches dans son personnel – avec en prime le départ de son nouveau responsable éditorial – l’avenir ne parait pas des plus radieux pour celui qui se posait encore l’année dernière comme le grand méchant loup du marché français, un rouleau compresseur devant tout écraser sur son passage. Les Japonais ont-ils eu les yeux plus gros que le ventre ? L’avenir nous le dira. J’apprécie son catalogue, de même que ses éditions de qualité, donc je n’aimerais pas le voir disparaitre. Mais peut-être qu’un peu d’humilité ne lui ferait pas de mal.
- Après le rachat de l’éditeur nippon de Broken Blade, le nouveau propriétaire a déclaré ne plus souhaiter vendre ses licences à l’étranger, en raison du travail supplémentaire que cela nécessiterait. D’où un arrêt de plusieurs séries chez nous décidé par les Japonais. Belle mentalité.
Et 2014 ? :
La qualité exceptionnelle du cru 2013 m’a agréablement surpris et m’a redonné confiance quant à l’avenir, surtout après quelques années un peu ternes. Néanmoins, comme indiqué tantôt, aucune annonce de nouveauté pour 2014 ne m’a encore interpellé, mais je demande à être surpris. La publication de Chihayafuru nous prouve qu’il faut s’attendre à tout.
L’année prochaine verra la fin (si nous restons sur les mêmes rythmes de publications) de nombreuses séries, parmi lesquelles The Civilization Blaster, Piece, Kids on the Slope, mais surtout Saint Seiya episode G, qui a enfin été achevé au Japon. Sans oublier Stardust Crusaders, en espérant qu’il sera suivi par une autre saison de cette série fleuve, de préférence à un rythme aussi soutenu.
La grande inconnue, c’est Akata : devenu éditeur – ils ont déjà publié une BD taïwanaise – il a tout à prouver en tant qu’indépendant, mais son équipe a certainement quelques cartes dans sa manche. Nous en saurons plus après le 31 Décembre 2013. En espérant que 2014 ne sera pas synonyme de disparitions chez les acteurs du marché.