Non, désolé, c’était un piège. C’est un groupe sympa de jam, comme Phish ou Widespread Panic. Attendez, on va articuler ça avec quelque chose de plus cohérent.
Je suis dans une position un peu gênante. Plus tôt dans l’année, je commençais à faire ma précieuse en disant des trucs approchant les « Non, mais vous comprenez, ma période otake est derrière moi, j’ai grandi maintenant ».
PUIS PAS DE BOL, CETTE SAISON D’ANIME EST VACHEMENT BIEN. Pire, WataMote est même mon petit favori du lot – série qui, je le rappelle, n’est pas une ode à l’animal social. L’anime est vraiment drôle, bien fichu et apporte une plus-value certaine. DanGanRonpa est pas mal aussi même si les derniers épisodes partent un peu en vrille… et je ne doute pas de la qualité de l’attaque des Titans que je finirais par mater presto. Y’en a pour tous les goûts, du sérieux, du moins sérieux et Bonne Nuit PunPun est toujours là pour distiller un peu de malaise de temps en temps alors tout va bien. Je regarde tout ça en me disant qu’au final, il faut juste bien dissocier œuvres et fandom.
Je ne peux pas vivre sans mes petites manies et j’en ai une un peu plus chouette que les autres : faire un anime en fil rouge pour mon mois d’Aout. Après quelques années à me taper l’univers Hinamizawa, après le mastodonte Evangelion – et bientôt les films, joie et bonne humeur – j’ai rattrapé un petit phénomène récent en matant Kids On The Slope, vendu une quarantaine d’euros à la Japan. C’est mimi tout plein et ça mérite un peu d’attention alors poum poum CRITIQUE.
Vous en conviendrez, Cowboy Bebop est la meilleure série du monde, c’est prouvé***. Une collaboration entre S. Watanabe et Yoko Kanno, plagiats musicaux ou pas. Kids On The Slope (ou Sakamichi No Apollon) est le retour de ce duo dans un registre vraiment, vraiment différent. Est-ce que c’est mieux ? Non. Est-ce que c’est aussi bien ? Non ! Clairement pas, mais KoTS – l’anime – est largement mieux que KoTS – le manga. Je ne sais plus qui a été adapté de l’autre, mais le manga est de trop et la raison est simple – un manga musical sans musique… toi même tu sais.
Kids On The Slope commence dans une salle de classe, comme 98% des japoniaiseries. Et comme 97% des japoniaiseries, elle commence avec un transfert student et ow shit comme un air de déjà vu. Plot twist cependant, tout ça se passe en plein milieu des années 60. Avant de creuser le synopsis, il faut donc préciser deux contextes bien distincts liés à cette époque – historique, car c’est bien sûr une période éminemment connotée – souvenez vous, La Colline Aux Coquelicots – quand on essayait de rester éveillé devant le film – des pères marins, donc des pères absents, on retrouve la même chose ici. Ce qui nous intéresse aussi c’est le contexte musical – c’est en plein dans l’ère des Beatles qui ne vont pas tarder à débarquer au Budokan. Un potentiel infini pas franchement exploité parce que non, les Beatles ont une faible importance dans Kids On The Slope. Non, Kids On The Slope n’est pas une anime sur les Beatles. Kids On The Slope est un anime sur LE JAZZ. Et là, immédiatement, je pense « Jazz on my pants » mais c’est un piètre jeu de mots. Heureusement, grâce à la puissance de la prétérition, je peux quand même l’écrire. Bref.
Kaoru est donc un nouvel élève dans la classe du lycée X de la ville Y. Une ville japonaise avec plein d’étudiants en uniforme qui gravissent une forte pente pour aller au lycée. Un plot déjà palpitant mais soudain !! Il s’avère que le jeune homme est si balloté d’écoles en écoles qu’il développe une sorte de phobie scolaro-sociale qui le fait avoir une crise d’angoisse au premier stimulis. Un petit souci fort fâcheux qui va finir par le faire rencontrer Sentarô, un camarade de classe au caractère opposé. Le premier est un gringalet, le second une brute, le premier est un gosse de riches, l’autre sort d’un milieu bien moins aisé et doit s’occuper de ses quinze petits frères et soeurs, etc. Ce qui devait arriver arriva : passés deux quiproquos et demi, ils deviennent meilleurs zamis du monde. Ce qui les lie ? Le JIZZ. Heu, le JAZZ.
Sentarô a pour habitude de traîner dans la cave d’un magasin de vinyles – et Sentarô est batteur. De jazz. Kaoru est pianiste. Ils vont jammer ensemble et cultiver un vrai petit tranche de vie dont l’intégralité des storylines se résume à l’intro de « Love Sucks », des J. Geils Band : « Il l’aime, elle l’aime, il en aime encore un autre, tu ne peux pas gagner ».
Kids On The Slope est donc un univers strictement crédible, rationnel, 100% sans fantastique et qui pourrait tout à fait être une histoire vraie sur une jeunesse qui se cherche un peu, pour les critères des années 60. C’est comme un Sofia Coppola mais en réaliste – à dix ans près, la tranche de vie de nos parents, si vous préférez. Avec des enjeux des années 60 – je préfère préciser qu’il n’y a pas de smartphones, de magicals girls mais bien des gens qui vont en vacances en allant se baigner vers la plage du coin, qui ont des soucis davantages philosophiques que matériels etc etc. Loin de vouloir me positionner en grand yaka mais c’est un fait, c’est un monde un poil différent.
Je ne le vous recommanderais pas si il n’y avait pas quelques petits trucs qui font la différence. C’est le JIZZ, bien sûr, qui fait tout ça. L’opening résume bien l’idée, malgré sa petite voix crispante pour les oreilles sensibles – des mélodies, de la mélancolie, des gens qui bougent bien, de la synesthésie partout, oh la la. Si vous aimez cet opening (pourtant pas vraiment jazzifiant), son esprit faussement précieux et son swing, vous aimerez l’anime derrière. Les trucs qui, qualitativement, culminent dans cet anime, ce sont ces quelques petites sessions de jams entre potes. C’est Yoko Kanno au clavier, mais quand Kaoru se lance et rejoint le truc, il y a un petit truc qui fait « tilt » dans le cerveau et qui fait qu’on apprécie vachement ce qu’on entend et ce qu’il se passe. Bref, on est dans le jam. Ce machin – en plus de proposer beaucoup de bonne musique, un peu hors du temps pour nous jeunes fans de twerk mais hé, c’est du jizz - et tout ça paraît délicieusement authentique.
Je m’étais fendu d’une critique subtilement assassine dans le JdJ pour le manga car il ne racontait que dalle, en ouvrant sur le fait que peut être, ô peut être, ce postulat super cliché allait aboutir à quelque chose après les deux premiers tomes. Oui, c’est le cas, merci tout le monde ! La focale s’ouvre très vite et confirme que le bordel amoureux peut atteindre un bordel dodécahédrique. Spoiler : dans cet anime, la réciprocité est un vague concept. Mais comme dans la vraie vie, ces jeunes gens se désirent et se touchent sans trop savoir ce qu’il font, c’est mignon. Parfois gênant. Toujours réaliste.
Parfois, on abandonne même un peu nos deux personnages principaux et leur copine, Ritsuko, évidemment prétexte à un terrible triangle amoureux comme précisé plus haut ; pour découvrir d’autres persos avec d’autres petits bobos d’amour. Puis il y a ce couillon un peu opportuniste obsédé par la gloire et les Beatles. Puis il y a ce mec un peu baroudeur qui fait de la trompette qui vient rejoindre ce groupe… puis cette nana très longiligne pour qui il jette son dévolu mais qui ne semble pas la remarquer, puis il y a cet américain un peu trop bourré qui hurle n’importe quoi en plein concert (pour contextualiser un peu le truc historiquement, de temps en temps, quand même) etc etc. Il n’y a pas de storylines très précises, je suppose qu’il y a eu des coupes par rapport au manga, tout ça évolue gentiment vers un ending un peu foutraque qui révèle que, horreur ! Kids On The Slope est en fait l’introduction de Monster. Gênant gênant.
Bref, avant d’arriver à ces derniers plans qui font lever quelques sourcils – pas à un niveau Weedsien mais quand même - le suc de l’anime consiste pas mal à voir ces personnages évoluer. Nos deux compères sont très complémentaires et ont une amitié qui feront fujoshé comme une intrigue n’a jamais fait fujosher. D’ailleurs, en lisant le manga, je me demandais s’il allait oser aborder l’homosexualité un peu. Comme vous le savez peut être, la vision du Japon sur le sujet y est assez différente, alors dans les années 60, c’était une piste intéressante. Spoiler : il n’en est rien. Le premier va se détendre un peu et oublier sa connasse de tante, le deuxième va apprendre à se canaliser et à s’ouvrir un peu plus. Les deux personnages ont pas mal de choses en commun, ont un abandon familial à leur palmarès et ces profondeurs vont les rapprocher. Généralement, dans cet anime, tout se règle avec la musique. Les amitiés, les frustrations, les baffes qui se perdent, on résout ça en jammant. C’est chouette, non ?
Donc voilà, c’est vraiment une question de portrait, voyez ça comme une capsule temporelle. On y voit des tons sépias partout, pas le moindre flashy, une ville un peu éloignée de tout (mais quand même super grande et pas trop trop loin de Tokyo en train, as usual) et justement, le coup d’œil qu’on peut jeter à la capital semble assez sombre, oppressant, pas familier. Les références musicales sont pas nombreuses nombreuses – c’est une période où le jazz est quand même assez désuet – mais ce rapport très compliqué qu’entretient le pays avec les USA est bien rendu. Le tout baigne dans un esprit assez relaxant et posé, avec des titres d’épisodes toujours coolissimes.
Bref, c’est un anime assez cool, rafraîchissant, pas génial mais qui a toutes les qualités nécessaires pour capter votre attention – quand il veut décrire un truc, il ne va pas se perdre en chemin, n’est-pas monsieur Goro. Kids On The Slope est fait par les bons gars, a reçu tous les prix du grand chelem des bons animes et a contribué à faire de la case noitaminA un vrai petit rendez vous déjà légitimé il y a fort longtemps. C’est du jizz. Et sans jizz, pas de free jizz, pas de math rock, il ne reste PLUS RIEN.
Et vraiment, laissez tombez le manga, allez directement par la case anime. Les douze épisodes sont disponibles légalement sur Dailymotion et là on dit MERCI LA FRANCE, MERCI LE JIZZ.