Pour ceux qui se tiennent éloignés de tout buzz depuis plusieurs années, un petit rappel sur Katawa Shoujo. Il s’agit d’une visual novel réalisée par plusieurs gars de 4chan, le célèbre et controversé forum d’otaku. Cette VN narre les aventures de Hisao, un lycéen victime d’arythmie cardiaque sévère. Après avoir passé plusieurs mois à l’hôpital suite à une attaque, il se voit transférer à l’académie Yamaku, une école spécialisée pour les handicapés. Comme dans tout bon eroge, il fera la connaissance d’une multitude de jolies filles : Shizune la sourde-muette manipulatrice, Lilly la douce aveugle, Hanako la timide dont une partie du corps est défigurée par les cicatrices, Emi dont l’énergie compense l’absence de jambes et Rin qui n’a pas de bras mais un sens de l’humour particulier.
En 2010, les petits gars de Kawasoft ont sorti l’Acte 1, l’intro du jeu en français. Celle-ci laissait espérer de grandes choses et permettait de présenter efficacement l’univers du jeu. Elle s’arrêtait toutefois juste après que le joueur ait choisi quelle route l’intéressait. Début Juillet, Kawasoft a sorti la version 1.1 du jeu en français. Inutile de préciser que je me suis jeté dessus.
Voici donc ce que j’ai pensé des routes de Lilly et de Hanako, les autres auront droit à leur billet plus tard. Attention c’est bourré de spoilers.
Edit : En relisant cet article, je me rends compte que je cite bien plus de défauts que de qualités. Je tiens donc à préciser en préambule que j’ai aimé ce jeu, que j’ai été plus ou moins ému à la fin de chaque route. De toute façon vous me connaissez, j’ai tendance à rapidement laissé tomber ce qui me gave, ce qui n’a donc pas été le cas de Katawa Shoujo.
Lilly
Lilly était la fille dont la route me faisait le plus envie. Lilly est belle, gentille, serviable, classe : bref c’est la femme parfaite. Un peu trop parfaite d’ailleurs : sa personnalité, certes développée, connait trop peu d’aspérités. Du coup, on a du mal à totalement accrocher à elle. Pour le reste, sa route est relativement fleur-bleue comme on pouvait s’y attendre avec ce type de personnage, l’évolution des sentiments entre Hisao et Lilly a le mérite de progresser lentement mais sûrement. Et Akira, la sœur de Lilly, est méga classe, je crois que c’est un avis partagé par tous.
Autre point positif : cette route correspond parfaitement au leitmotiv du jeu : voir plus loin que le handicap. Lilly est aveugle et le scénario ne l’oublie jamais, que ce soit à travers sa façon de se déplacer ou certains questionnements d’Hisao. Toutefois, on finit par ne plus voir cela comme un handicap : il s’agit d’une particularité de Lilly tout comme le fait qu’elle soit blonde ou grande. À quelques rares exceptions près, la relation qu’elle a avec Hisao est une relation qu’aurait n’importe quelle jeune fille avec n’importe quel jeune garçon.
Il y a par contre un gros défaut qu’on retrouve dans beaucoup de routes : on a l’impression que le scénario va trop vite sur beaucoup de points, que tout a été rushé. La scène de sexe est symptomatique : un premier baiser sur les lèvres, une salade de langues et SEXE TIME ! Le tout à la suite, comme ça, en 5 minutes chrono. Je trouve qu’ils se sautent dessus trop rapidement (c’est malheureusement un problème qu’on retrouve dans d’autres routes). Précisons quand même que les scènes de sexe sont globalement réussies : c’est rapide, relativement réaliste et mignon. Avec Lilly, le sexe ce n’est pas sale.
Autre exemple de cette précipitation scénaristique : Shizune et Lilly ne s’entendent pas ,mais alors pas du tout. C’est même le grand mystère de cette route. On sait qu’à une époque elles pouvaient se supporter, Hisao hésite à de nombreuses reprises à poser la question à Lilly mais le suspens demeure. Et il demeurera jusqu’à la fin, nous n’obtiendrons aucune réponse. Alors certes, leur réconciliation est tout aussi rapide que belle, mais le joueur à la fâcheuse impression que le scénariste a oublié de répondre à cette question. Pour cela, il faudra faire la route de Shizune.
Dans le genre "trop rapide pour être réel", on au aussi l’évolution psychologique de Hanako. Elle reste cloitrée dans sa chambre pendant son anniversaire et quelques jours plus tard, elle projette un tour du Japon avec ses copines du club de journalisme…allez comprendre.
La même chose se passe avec la fin : beaucoup trop rapide, il n’y a pas assez de développement entre la problématique (retour définitif en Écosse de la belle blonde) et la scène finale. Dommage que l’auteur n’ait pas pris plus de temps pour terminer son histoire, la route de Lilly aurait pu être améliorée même si c’est une des meilleures du jeu.
Je passe volontairement sur le fait que Hisao soit incapable de comprendre ses propres sentiments, c’est quelque chose qu’on retrouve dans à peu près toutes les routes. Mais le coup de "je ressens quelque chose pour Lilly mais je ne sais pas ce que c’est, c’est plus fort que de l’amitié"…ça s’appelle de l’amour connard.

Couple + coucher de soleil + champ de blé = déclaration d’amour parfaite.
Dommage que le gilet immonde de Hisao vienne tout gâcher…
Hanako
Sur bien des points, la route de Hanako est l’exact opposée de celle de Lilly. Dans cette dernière, le handicap de Lilly est anecdotique et celui de Hisao primordial. Ici l’arythmie du héros est totalement oubliée, elle apparait une seule fois, presque comme un caméo. Alors que celui de Hanako est en permanence au cœur du scénario, au point d’en venir étouffant. Mais est-ce vraiment une mauvaise chose ?
Lilly est née aveugle, elle est comme ça, point : ça ne change pas le regard des autres (ni le sien ah ah). Hanako a eu un terrible accident qui a provoqué des cicatrices ; cicatrices qui ont provoqué son rejet ; rejet qui a provoqué son repli sur soi. C’est un enchainement infernal dont la jeune fille n’arrive pas à se sortir. Et autant le dire tout de suite : elle ne s’en sortira qu’à l’extrême fin du jeu. Cela entraine le point central de cette route : le manque de communication. Certes les raisons sont légitimes (timidité maladive de Hanako et Hisao n’est pas à l’aise avec les handicaps), mais du coup…c’est chiant. Que font concrètement ces deux personnages lorsqu’ils se retrouvent seuls ? Ils jouent aux échecs et ils lisent. En silence. Super.
À un moment, on nous donne un espoir : Scar apprécierait le karaoke. Pas de chansonnettes en vue pourtant. Juste du silence. Et cela finit par provoquer un malaise : à chaque fois que Hanako et Hisao se rapproche dans une scène, ils finissent par s’éloigner dans la suivante. Du coup, le lecteur oscille sans arrêt entre "Hanako est vraiment mimi, on (le lecteur) a envie de l’aimer" et "Hisao et Hanako communiquent mal".
Finalement, on finit par ne rien comprendre à leur relation. On ne sait pas ce que Hisao aime chez Hanako et vice-versa. Les explications fouillies de cette dernière à la fin du jeu n’aident pas à la compréhension. Prenez la scène de sexe : on ne sait pas comment ils en arrivent là puisque aucun des deux personnages ne semblent ressentir du désir pour l’autre. D’ailleurs durant l’acte, on a pas vraiment l’impression qu’ils prennent du plaisir. Cette totale absence de jeu de séduction est d’autant plus dommage que ça vient après un moment fort où Hanako dévoile ses cicatrices à Hisao.
Il faut le reconnaitre : cette histoire n’est tout simplement pas très bien écrite. Par exemple, il n’y a qu’un seul choix qui détermine si on va obtenir la bonne ou la mauvaise fin. Dans cette dernière, Hanako pète un câble (devant un Hisao bien relou c’est vrai) et hurle qu’elle déteste Lilly "qui la traite comme une enfant". Alors deux choses. D’abord ce n’est pas Lilly qui force Hanako à se coller à elle à chaque occasion : elle se fait traiter comme une enfant parce qu’elle agit comme telle. De plus, on obtient cette fin si on décide de ne pas s’occuper de Hanako lors du choix déterminant. Je résume donc : si on décide de ne pas protéger Hanako, cette dernière nous reproche plus tard de trop la protéger. Logique.
Dernier exemple : l’asociabilité de Hanako est si forte et il y a tellement de mystères entourant son accident que le lecteur finit par imaginer quelque chose d’horrible qui expliquerait le sentiment de culpabilité que ressent cette jeune fille. Je pensais par exemple qu’elle avait provoqué accidentellement l’incendie qui a tué ses parents. Ce qui expliquerait pourquoi cette dernière se calfeutre tous les ans dans sa chambre au moment de son anniversaire, elle regretterait d’être née.
Ben en fait non pas du tout. Il y a eu un accident, sa mère est morte en la protégeant et paf trauma ! Trop simpliste, ce sujet pourtant essentiel à la compréhension de la psyché de Hanako a été expédié beaucoup trop rapidement.
Bon, je veux quand même relever quelques points positifs de cette route. La crise d’angoisse de Hanako en pleine classe est une totale réussite : les CG, la musique et le texte se combinent pour retranscrire parfaitement la peur panique qui s’empare de Hisao devant une situation incontrôlable. C’est un des moment les plus forts du jeu.
La toute dernière scène est également magnifique. Hanako évolue enfin ! Elle qui ne supportait pas le regard des autres finit par embrasser Hisao en pleine rue devant des inconnus, leur exposant son profil brûlé. Tandis que le lecteur a droit à son beau profil : on a fini par oublier son handicap, Hanako devient enfin une fille normale qui embrasse l’homme qu’elle aime sans gêne. C’est symbolique et c’est beau.
Mais bon à l’arrivée, il faut le reconnaitre : Hanako est bien plus intéressante, bien plus touchante dans la route de Lilly, c’est un comble. Parce que finalement, quel est l’évènement le plus marquant de cette route ? La rencontre avec la charmante Miki Miura.
Je n’ai pas encore terminé la route de Rin ni celle d’Emi, la suite viendra donc dans quelques jours. En attendant, lâchez vos coms !
