Suite de ma série d’articles sur « le manga pour les nuls« . Oui, cela faisait longtemps. Aujourd’hui, un sujet bouillant : qu’est-ce qu’un Yaoi ?
Le texte sera concis, le but est d’aller à l’essentiel.
Le Yaoi est un phénomène de plus en plus présent en France, à tel point que plusieurs éditeurs de manga – dont le récent IDP Manga – en ont fait leur fond de commerce. Mais de quoi s’agit-il ?
« Yaoi » est l’anagramme de « YAma nashi, Ochi nashi, Imi nashi » signifiant : « pas de pic, pas de chute, pas d’histoire ». Essayons de comprendre comment ce genre est apparu, et surtout le sens derrière cette phrase.
Dans les années 70, des auteurs de shôjo commencent à décrire des histoires d’amour entre deux hommes, comme Kaze to Ki no Uta de Keiko Takemiya, ou Le Cœur de Thomas de Moto Hagio. Avoir deux personnages de même sexe leur permettait de s’affranchir du rapport homme/femme, qui tenait alors du dominant/dominé dans le Japon de l’époque. Quant à choisir deux hommes plutôt que deux femmes, cela leur permettait d’évoquer plus facilement la nudité de leurs protagonistes. Ainsi naissait le Shônen Aï ou « amour de garçon », qui deviendra plus tard un genre à part entière aussi appelé Boys Love. Notons au passage que les premiers Shônen Aï ne se déroulait jamais au Japon, et rarement à leur époque.
Le Yaoi, comme son nom l’indique, est né d’une volonté de se focaliser plus sur la relation sexuelle que sur l’histoire d’amour. Au Japon, le mot Yaoi reste aujourd’hui associé aux dôjinshi, des manga amateurs, tandis que le terme Boys Love désigne des publications professionnelles. Ainsi, des manga présentés comme des Yaoi par les éditeurs français sont en réalité des Boys Love ; mais ce mot est plus identifiable, et plus facile à retenir.
Les Yaoi sont distribués lors de manifestations comme le Comiket, la plus grande convention manga du monde, dont le premier numéro a eu lieu en 1975, c’est-à-dire à peu près au même moment que la naissance du Shônen Aï. Cette scène amateur s’est développé en détournant des licences particulièrement populaires auprès des passionnées de Yaoi, qui s’amusent à imaginer les relations possibles entre les différents personnages masculins. Captain Tsubasa (Olive et Tom), Saint Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque), et Yoroiden Samurai Troopers (Les Samouraïs de l’Éternel) dans les années 80 ; Slam Dunk, Final Fantasy VII, et Gundam Wing dans les années 90 ; Inazuma Eleven et Bleach dans les années 2000.
De nos jours, il n’est rare de voir des animes et des jeux-vidéo conçus pour plaire à ce public, comme Gundam 00, dont le chara design fût signé par une mangaka de Boys Love.
Dans les Yaoi, les couples sont traditionnellement composés de deux archétypes : le seme, qui est le dominant et qui pénètre son partenaire, et l’uke, qui est le dominé. En fonction des auteurs, un même personnage peut devenir tantôt seme et uke. Par exemple, certains préféreront voir Sasuke et seme et Naruto en uke, et d’autres Naruto en seme et Sasuke en uke.
A la différence d’une relation hétérosexuelle où le lectorat ne peut s’identifier qu’au personnage appartenant à son propre sexe, ces amours homosexuels permettent aux lecteurs et aux lectrices de se reconnaitre dans celui qu’ils souhaitent, en fonction de leurs affinités et de leur personnalité ; cet argument est couramment mis en avant par les amatrices de Yaoi, pour justifier l’engouement autour du genre.
De plus, il possède encore aujourd’hui un important héritage Shôjo. Celui-ci permet la mise en scène de bishônen, ou « beaux garçons », des personnages masculins dont l’apparence androgyne plait au lectorat de Shôjo, et par extension aux lectrices de Yaoi et de Boys Love. Le côté « amour interdit » de ces romances peut aussi expliquer une partie de leur succès.
Pour finir, précisons qu’il existe un pendant au Yaoi plus réaliste et destiné spécifiquement au public masculin homosexuel, là où ce-dernier se focalise sur un lectorat féminin hétérosexuel : le Bara.