Voici le premier billet d’une nouvelle catégorie sur ce blog et dont l’idée me trottait dans la tête depuis déjà un bon moment : en feuilletant mes vieux magazines d’animation japonaise et en constatant le nombre d’articles sur des anime qui n’ont finalement jamais vu le jour, j’ai eu justement envie de parler de ces projets avortés, d’autant plus que pour la plupart il est très difficile de trouver des informations dessus. « Anime perdus » englobera donc quelques billets qui présenteront ces anime qui n’ont jamais vu et ne verront jamais le jour (ou pas), en essayant de toucher toutes les époques étant donné que même de nos jours il y a des projets qui finissent par être annulés (coucou Suisei no Gargantia 2). J’espère simplement que je n’écrirai pas trop de bêtises : si des connaisseurs ont des informations et autres corrections à apporter sur les anime que je citerai, je suis preneuse !
Pour ce premier billet, j’ai eu envie de parler d’un film d’animation qui m’aura toujours intriguée et qui est pour moi l’un des gros gâchis de l’industrie de l’animation japonaise, aux côtés de Lupin VIII : ce projet abandonné, c’est Mime, un titre qui a pourtant eu droit à de très nombreux articles dans le magazine Animage à la toute fin des années 80.
Annoncé dès le début de l’année 1988, ce film permettait de retrouver le duo alors surtout célèbre à l’époque pour son travail sur Macross : Shōji Kawamori (à la réalisation) et Haruhiko Mikimoto (au character design). Ce projet, nommé tout simplement Mime (prononcer « maimu » – le titre en kanji est 舞夢, composé des idéogrammes de « danse » et « rêve »), était à la base l’histoire d’une jeune adolescente de 15/16 ans, Mime (d’où le titre du film), et de ses voyages à vélo.
Ce film d’animation produit par le studio Sunrise avait la particularité d’être sponsorisé par le label discographique Epic/Sony Records (plus connu actuellement sous le nom de Epic Records Japan) : c’était une première pour eux, ce qui explique aussi la mise en avant de la musique dans Mime. Dans une interview donnée en octobre 1989 dans le magazine Animage, le producteur exécutif du film a ainsi expliqué qu’il voulait que la musique ait une place importante : il trouvait que les films japonais, au contraire des films américains, n’utilisaient pas correctement la musique dans leurs productions. Mais il pensait également que le Japon se rattrapait du côté de ses films d’animation et plus globalement des anime, en avançant le fait que c’est sûrement parce que l’industrie de l’animation est encore jeune et remplie de passionnés. Il voulait donc un film d’animation avec des musiques qui marqueraient les esprits pendant longtemps, en citant pour exemple City Hunter et son célèbre Get Wild par le groupe TM Network… qui appartenait à l’époque au label Epic/Sony Records. Le sponsor de Mime, donc.
Mime était très mis en avant dans le magazine Animage à la fin des années 80 : on a eu droit à de nombreuses interviews du staff travaillant dessus, des extraits de romans écrits par Shōji Kawamori détaillant l’enfance de l’héroïne, de nombreux croquis et illustrations des personnages par Haruhiko Mikimoto… Ce film avait même fait la couverture d’un numéro, ce qui n’est quand même pas anodin. Et pourtant, après 1990, ce fut le silence radio complet.
Que s’est-il donc passé et pourquoi le projet a-t-il été stoppé ? Personne ne le sait vraiment. Les rumeurs qui courent sur les sites japonais parlent d’un anime abandonné parce qu’au final il ressemblait trop à Kiki’s Delivery Service et qu’il proposait le même thème de l’adolescence et du passage à l’âge adulte, avec apparemment d’autres aspects un peu trop similaires qui auraient causé quelques soucis… D’autant plus que Kiki’s Delivery Service avait eu droit lui aussi à une grosse exposition médiatique durant la même année 1989. Certains disent que le studio Ghibli aurait demandé à ce que la production de Mime soit arrêtée. D’autres que c’est Shōji Kawamori lui-même qui aurait stoppé le projet après être allé à une avant-première de Kiki’s Delivery Service et avoir été choqué par les nombreux points communs entre les deux films. Ce qui, ironiquement, rejoindrait ses propos tenus dans cette cette interview réalisée lors de sa venue à Japan Expo en 2013 :
« Quand j’avais 20 ans, j’avais pensé à une comédie spatiale où une femme avait une sorte de pendentif solaire qu’elle mettait sur une sorte de vélo pour ensuite se promener dans l’espace. J’ai préparé ce projet avant Macross, et au moment où j’allais le présenter, E.T. est arrivé. Vous comprendrez donc un peu mon recul envers Spielberg. Et la fois suivante où j’ai voulu faire un projet du même style, c’est Laputa qui est arrivé. C’est amusant de voir souvent apparaître les mêmes idées à plusieurs endroits différents sur la planète, au même moment. »
Dans les tout premiers articles parus dans les magazines d’animation, Mime y était littéralement décrit comme une « petite comédie avec un brin d’action qui réchauffe le cœur ». On devait y suivre les mésaventures d’une jeune fille qui quitte ses parents et son village rural pour s’installer en ville, l’expérience qu’elle y gagne en faisant des petits boulots, et ses voyages à vélo.
C’est là encore dans Animage qu’on en apprend un peu plus sur le projet, qui devait également contenir des éléments fantastiques : l’héroïne, Mime, est en fait à la recherche d’un mystérieux trésor légendaire qui peut changer le monde.
Sorte de « femme à tout faire » qui gagne sa vie en rendant service aux gens, elle devait être accompagnée d’un assistant qui fait office de caméraman, mais aussi d’un mystérieux garçon de son âge nommé Takeshi qui n’était cependant pas vraiment humain, le corps de ce dernier étant en fait occupé par un être venant d’une autre dimension lui aussi à la recherche de ce même trésor légendaire. Ce sont quasiment les dernières informations que l’on a sur le film, et cela coïncide étrangement avec la période durant laquelle est sorti Kiki’s Delivery Service dans les salles obscures au Japon : pur hasard ou non, ce qui est sûr, c’est que par la suite nous n’avons plus jamais entendu parler de ce projet.
Il est vraiment dommage que Mime n’ait jamais vu le jour, d’autant plus qu’il avait l’air d’être bien avancé au niveau de la production et d’avoir été stoppé assez tardivement : il me donnait l’impression d’être un film d’animation intéressant et surtout ambitieux. C’est également un anime pour lequel il est très difficile de trouver la moindre information dessus sur Internet, et tout ce que j’ai écrit ici provient de plusieurs articles parus dans les magazines Animage de l’époque que je possède.
A noter au passage qu’il existerait un pilote de trois minutes qui n’a malheureusement jamais fuité, et pour les curieux voici la liste du staff principal ayant travaillé sur ce film (en japonais, bien entendu :p).
Sources et références :
– Magazines : Animage (04/1989, 05/1989, 10/1989, 12/1990) et Anime V (02/1988) ;
– Article : いまさら舞夢宣言を振り返ってみる sur le blog de ゆめみ~あい ;
– Mes scans postés sur Anim’Archive.
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