Comme prévu, on continue donc avec une comparaison entre les personnages du roman et du film
Pour voir la partie histoire de quoi qu’on cause plus bas : ici
Pour voir la partie différences : célà
Il y a pas mal de différences entre les deux œuvres au fur et à mesure du déroulement de l’intrigue, mais les personnages principaux restent globalement les mêmes (du moins les gentils) entre l’oeuvre originale et l’adaptation, ce qui rend la comparaison assez facile.
Pour les “gentils”, Sophie reste à peu près la même dans le film et dans le livre, à quelques exceptions qu’elle est beaucoup plus énergique, colérique et vive dans le livre (cf. le passage du désherbant…). On peut mettre ça sur la différence de vision de ce que doit être une héroïne entre l’écrivaine pour adolescents et le studio de réalisation du film, vu que pour un Miyazaki, Sophie est quand même un personnage énergique et qui prend les choses en mains. Par contre, beaucoup d’autres personnages sont différents dans les deux œuvres.
Hurle est ainsi beaucoup plus gentil et moins sarcastique dans le film que dans le livre, il épargne plus Sophie et lui livre moins de remarques acerbes. Le Hurle du livre est aussi un peu plus hésitant, plus mièvre, plus narcissique (les séances de bains dans le film ne sont pas minutées, mais le livre nous livre assez précisément le nombre d’heures, en général deux bien tassées, qu’il met à chaque ablution) et plus secret. Son plus grand secret est donc sa vie terrienne, qu’il vit en pointillés. On le voit en relation principalement avec sa sœur et ses neveux et nièces, auprès de qui il passe pour un universitaire qui a raté sa vie et complètement fauché. Cette double vie lui donne un relief qu’il n’a pas dans la version de Miyazaki, qui occulte rapidement dans le film tout son passif de “voleur de coeurs” et ses conquêtes féminines réelles ou supposées.
Michael semble plus vieux dans le livre que dans le film et tient beaucoup plus le rôle de l’apprenti de Hurle. C’est bien simple, dans le film, Michael est là pour la déco… C’est regrettable, d’autant que son rôle dans le livre n’est pas des moindres : il modère les ardeurs de Sophie, ce qui n’est pas une tâche très facile (cf. LE PASSAGE DU DESHERBANT) et surtout devient l’élément déclencheur des péripéties finales en rapportant un poème du Pays de Galles, qui est en fait une version écrite de la malédiction qui frappe Hurle.
Calcifer est le personnage qui a le moins subi de transformations entre le livre et le film : il râle toujours autant, l’honneur est sauf! Le pacte entre lui et Hurle est de même nature et son rôle est similaire dans les deux oeuvres, faisant de lui le fil rouge entre les deux récits.
Cependant, Miyazaki a complètement innové en ce qui concerne les “méchants” de l’histoire, qui sont chez lui Mme Suliman et la Sorcière du Désert.
Parlons de la sorcière du désert… Maman, ce désastre. Tout le mystère, la classe et l’absence (oui, la sorcière du désert, dans le bouquin, on en parle beaucoup, mais on ne la voit qu’au début, un tout petit peu… et à la fin, enfin ce qu’il en reste.) de la sorcière dans le livre, tout ça pour une omniprésence de celle-ci dans le film! En plus, si c’est pour y mettre une petite mémé rabougrite dans la plupart des scènes, Miyazaki, t’as déconné sec!
La sorcière du désert du livre a le même problème que Hurle : elle a ramassé une étoile filante et a son propre démon, qui consume tout doucement son coeur. Sauf que vu qu’elle est plus vieille que Hurle, son coeur a été quasiment tout dévoré et son démon du feu a pris le dessus… Cette piste n’a pas du tout été exploitée dans le film, et là j’en veux un peu à Miyazaki, qui a laissé une Suliman venue d’on ne sait où enlever des pouvoirs à une sorcière on ne sait comment, ni pourquoi, le tout quasiment au début du film. Le pire, après, c’est de voir comment la sorcière du désert, privée de ses pouvoirs, devenue vieille moche et rabougrite, développe un côté doucereux et sussure à l’oreil de Sophie que Calcifer est beau. Rhaaaargh. Ce qui ne change pas, c’est qu’elle veut le cœur de Hurle, on sauve quand même les meubles.
D’ailleurs, parlons un peu de Suliman, vu qu’on entre dans le coeur (haha) du problème. Suliman est donc une invention complète de Miyazaki, un mélange de Mme Tarasque, la vieille professeure de Hurle, l’enchanteur Suliman, un peu de la sorcière du désert et Ben Sullivan du roman. Mme Tarasque est foncièrement un personnage très gentil, très douce et très vieille (elle essaie même de rompre le maléfice de Sophie en essayant de ne pas se faire choper), qui prend la mauvaise décision de mourir pendant l’histoire et rend Hurle triste -mais Hurle est paraît-il très beau en noir. Suliman, ou Ben Sullivan (un autre pays-de-gallois à Ingary qui a le bon goût de changer de nom une fois passé entre les mondes) est paraît-il un enchanteur un peu pote avec Hurle et avant-dernier élève de Mme Tarasque, qui s’est un jour paumé en marge du désert et que plus personne n’a vu ensuite. Il très gentil lui aussi, quand il a la bonne idée de revenir à la vie en un seul morceau.
Les rassembler dans le film pour donner Mme Suliman, une femme qui sous des apparences bonhommes et sympathiques est à la recherche du pouvoir et de la soumission totale de la magie ancienne, est un choix osé de Miyazaki, mais qui rend tout son sens aux choix artistiques du film. En effet, en choisissant un univers plus proche de la révolution industrielle et du steampunk, comme on l’a vu précédemment, Miyazaki montre l’opposition entre Hurle et son château qui incarne la tradition magique, désordonnée et en déclin contre Mme Suliman, qui représente l’ordre, le progrès et les machines. Mme Suliman, au-delà de son personnage, représente donc tout l’esprit d’une époque où le monde ancien bascule vers la révolution industrielle et le monde ordonné et pressé que l’on connaît aujourd’hui.
Mais même si j’ai trouvé logique le positionnement de Miyazaki, je n’ai pas aimé les personnages de la sorcière du désert et de Suliman : je n’ai pas aimé qu’une telle “méchante” se trouve dans le film. En plus, Miyazaki perd l’occasion d’animer Mlle Angorianne, décrite dans le livre comme une véritable bombe (du moins, c’est ce qu’en pense Sophie) et qui poursuit Hurle à travers les dimensions dans la fin du roman. C’est elle qui rend Hurle honnête et le force à accepter ses sentiments pour Sophie, alors que Suliman n’est pas visible dans la plupart du film et agit indirectement.
Bref, un bon et du moins bon dans la transposition des personnages du roman à l’écran… Je crois que c’est la partie qui m’a le plus déçue dans l’adaptation de Miyazaki :3 Enfin, tout n’est pas perdu, la fin du film est quand même super mignonne pour un réalisateur qui n’a pas l’habitude des histoires d’amour passionnées ^^