Destiné à ceux qui aiment les ourses et les fleurs de lys, le péché mignon de l’hiver dernier s’adresse à un public de niche. Un public surtout attiré par la mention de Kunihiko Ikuhara sur les affiches. Un type qui nous a retourné l’estomac avec ses scènes dégueulasses dans Utena. Malgré toute ma rancune à son égard, je n’ai pas renoncé à mon amour pour les ourses et les fleurs de lys. Et bien m’en a pris car Yuri Kuma Arashi est une jolie petite série dans le désert hivernal, pas difficile à comprendre mais riche en symboles. Voici donc quelques bonnes raisons d’en manger parce que c’est bon, growl !
1) Les ourses
L’histoire se passe dans un monde frappé par les multiples astéroïdes qu’a engendrées l’explosion de la planète Kumaria. Les ours commencèrent dès lors à bouffer des humains et une guerre sans merci fit rage avant qu’un mur ne vint séparer les deux espèces. Notre héroïne, Kureha Tsubaki, est une lycéenne à l’académie Arashigaoka. Elle contemple avec son amie Sumika un lit de fleurs de lys quand retentit l’alerte à l’invasion ursine…
Si vous aimez les ourses en peluche, vous serez comblés. Si vous aimez les jeunes filles avec des pattes et des oreille d’ours, vous serez enchantés. Si vous aimez voir des ourses tantôt tristes, tantôt méchantes et usant des « growl » en queue d’énoncé, vous allez vraiment être gâtés. Je pense que le premier souhait de Kunihiko Ikuhara a été de défendre une espèce en voie de disparition. On a eu les renardes, on a eu les louves, voici donc les ourses. Incarnées par la pétillante Lulu Yurigasaki et l’apathique Ginko Yurishiro qui pénètrent le troupeau de jeunes filles de la classe 1-A en tant qu’étudiantes transférées. Excitées par leur délicieux fumet, elles veulent toutes les manger. Reste à savoir dans quel sens du terme. Vous l’avez compris, les ourses ont une puissance moévocatrice à ne pas sous-estimer.
2) Les fleurs de lys
Kunihiko Ikuhara n’aime pas les hommes et le prouve encore. Le yuri permet au réalisateur d’éviter que les héroïnes auxquelles il donne naissance finissent entre les mains d’un homme. Quel père exemplaire. Si la série dénonce toute forme de ségrégation, dire qu’elle défend la cause homosexuelle en particulier me semble erroné. J’y reviendrai.
Les fleurs de lys, d’une pureté immaculée, symbolisant l’amour lesbien dans la culture nippone, se trouvent quelque peu souillées lors de l’étrange rituel servi à répétition dans les premiers épisodes. Un rituel qui voit nos ourses favorites lécher le miel qui s’écoule sur les pétales d’une fleur de lys, comme si elles y puisaient de l’énergie. Scène onirique et absurde, destinée à susciter des rêves mouillés ou à symboliser la défloraison de notre héroïne? Et quand ce n’est pas une fleur de lys, c’est le canon du fusil qui sert de symbole phallique. Faites pas la guerre, faites l’amour jeunes filles? Rarement série yuri aura été aussi directe car ce sont avant tout les corps qui se cherchent, le baiser « promis » sur la bouche étant lui l’étape ultime du rapprochement entre les êtres.
Dans l’académie Arashigaoka, aucune trace de la gent masculine. Ecole unisexe, univers sans femme? L’envahisseur masculin est-il symbolisé par les ourses? Kunihiko Ikuhara a-t-il voulu faire référence à pedobear? Nul doute qu’ils ont du grouiller devant l’écran…
3) La tempête
Mais l’amour suscite la jalousie quand il ne pousse les gens à sacraliser de manière dangereuse l’objet aimé. On voudrait le garder dans une boîte pour qu’il ne change jamais, toujours en espérant recevoir un jour le bisou promis… On voudrait même le dévorer pour qu’il fasse partie de soi… Yuri Kuma Arashi présente quelques délicieuses joutes de convoitise entre des lesbiennes prêtes à toutes les extrémités. Manipulation, mensonge, trahison et ostracisme. La « tempête invisible » se rassemble alors dans une classe de l’académie où chacune désigne celle qui sera exclue du groupe. Si la série dénonce quelque chose, c’est bien ce rituel de mise à l’écart par la collectivité d’une personne faisant office de bouc émissaire. Une collectivité derrière laquelle l’individu se cache pour devenir invisible en quelque sorte. La tempête invisible, c’est ça et tous les maux qui rongent la société : la jalousie, la ségrégation et la lâcheté.
Certains interprètent le mur qui sépare les deux mondes comme la distinction entre les hétéros (les hommes) et les homos (les ours). Avec une tempête du genre : attention le virus de l’homosexualité va vous toucher, les ours sont dans la nature. Ils expliquent ainsi que Kureha est persécutée pour son amour à l’égard de Sumika et que malgré tout, les héroïnes de Yuri Kuma Arashi ne renoncent pas à l’amour. Je pense néanmoins que la discrimination n’est pas d’ordre sexuelle mais raciale : c’est avant tout pour ses rapports avec les ours, l’ennemi juré, que Kureha est diabolisée.
L’univers de Yuri Kuma Arashi tout entier est marqué par la touche symbolique et abstraite de son réalisateur. L’aspect répétitif de chaque épisode n’échappera pas aux habitués de Kunihiko Ikuhara et déstabilisera quelque peu les autres. Ces escaliers en spirale qui montent sur le toit de l’école rappellent inévitablement ceux qu’empruntait Utena avant chaque duel. Les lieux sont aussi étrangement mis en scène. La demeure de Kureha est étranglée par un carrefour, les paysages urbains sont dévastés par les monstres de l’industrialisation. Seuls les environs de l’école présentent des restes de végétation. Le jardin de lys cultivé par Kureha sonne ainsi comme une injure dans l’ensemble.
Une fois passées les dérives répétitives des trois premiers épisodes, on nous raconte avec brio une histoire tragique enfouie sous un fatras de symboles. Ici point d’ombres chinoises ni de panneaux de signalisation : ce sont les petits groupes rassemblés dans les coins de l’académie qui rapportent les derniers ragots et servent en quelque sorte de narrateurs. On pourrait regretter le manque de caractère des héroïnes mais les contes qui leur servent de background, illustrés à la manière d’un livre pour enfants, sont suffisamment jolis et évocateurs pour qu’on s’attache à elles.
tl;dr : Yuri Kuma Arashi c’est bon, mangez-en, growl!
8/10
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