
La nouvelle édition est superbe et riche en contenu.
Dans les années 80, le Weekly Shônen Jump publiait des titres qui font encore l’actualité du monde de la Japanimation aujourd’hui. Saint Seiya, Legend Of The Sanctuaryest sorti sur nos écrans le 25 février dernier. Dragon Ball Z FUKKATSU NO F arrive dans les salles obscures nippones pour le 18 avril prochain. Mais dans un genre plus réaliste et sombre, il y avait aussi City Hunter de Tsukasa Hôjo : bilan d’un anime et d’un manga incontournable, qui a les défauts de ses qualités.
Un contexte à part pour le JUMP
A la lecture de City Hunter, un décalage s’impose immédiatement comparativement aux autres œuvres du Weekly Shônen Jump. Les mangas du genre Policier/Thriller/Enquête sont nombreux dans l’univers du shônen : on pense tout de suite à Meitantei Conan (Goshô Aoyama,1990), ou encore Les enquêtes de Kindaichi (Yozaburo Kanari et Fumiya Sato, 1992). Mais c’est beaucoup moins anodin dans ce magazine de prépublication.
Dans le JUMP, on mise plutôt sur un univers qui titille l’imagination si le héros est un adulte (Space Adventure Cobrade Buichi Terasawa, 1978 ), on affectionne les combats (Dragon Ball de Akira Toriyama en 1984, Yu Yu Hakushô de Yoshihiro Tohashi en 1990) ou encore la comédie romantique (Kimagure Orange Road de Izumi Matsumoto en 1984). Si des titres récents ont fini par apporter une pointe de modernisme à ce genre (Death Note de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata en 2003, Neuro Le mange-mystère de Yusei Matsui en 2005), CH reste à ce jour un titre à part pour cet hebdomadaire.

Un dessin somptueux
Ryô Saeba n’est pas le héros qui va sauver le monde, il est le « justicier » autoproclamé d’une ville, voire même plutôt d’un quartier : Shinjuku. A peine fantasmé par rapport à la réalité (bien que Tsukasa Hôjo fasse part dans l’édition Deluxe qu’il ne connaisse pas vraiment Shinjuku, sa seule obligation pour faire reconnaître le quartier étant de faire apparaître le célèbre bâtiment « My City »), ce vigilant est un contemporain que l’on pourrait croiser, pourquoi pas, au détour d’une gare ou d’un croisement.
CHétait en avance sur son temps, peut-être même un peu trop. La noirceur de ses débuts a bien failli faire annuler la série dès ses premiers chapitres. Il y a du Dirty Harry, du Die Hard, de l’antihéros inspiré du cinéma américain dans les débuts de l’œuvre. Hôjo ne doit sa survie dans son hebdomadaire qu’à un running gag récurrent qui a tout de suite séduit le public : le jonglage constant entre les deux facettes de son personnage principal.
Ryô est réputé pour être le n°1 du milieu, un homme au sang froid exceptionnel et à la dextérité au tir incroyable. Mais il est aussi un pervers obsessionnel, prêt à tout pour « tirer un coup » avec sa clientèle, le plus souvent jeune, belle et féminine. Malgré sa force physique incroyable, ses ardeurs « Mokkori »sont toujours stoppées par sa nouvelle partenaire, Kaori Makimura, véritable tyran qui a fait de sa spécialité la protection rapprochée de leurs rares clientes : car, oui, celui dont la réputation traverse même les océans est un homme fauché, qui dépense tout son argent dans les quartiers chaud…
Des héros qui passent au second plan
Le fossé qui sépare City Hunter de ses confrères s’accroit encore plus lorsque l’on se penche sur le récit. Le duo Ryô Saeba/Kaori Makimura est bien entendu au cœur de l’histoire, ou tout du moins, cette relation est clairsemée tout au long de l’œuvre. Nous n’apprenons par exemple que par bribes le passé de Saeba et certaines zones d’ombre continueront de perdurer malgré tout.
On évoque aussi très rarement le mal être qui, on le suppose, doit habiter Kaori : elle vient de perdre son frère et le remplace immédiatement, se privant ainsi d’une vie de femme ordinaire. La rareté de ces passages qui permettent au lecteur de mieux comprendre les personnalités des héros semble être une volonté de la part de Hôjo, de sorte à les rendre plus éclatant.
En attendant ces moments assez intenses, le mangaka a travaillé chacun de ses personnages secondaires. .. et je ne n’entend pas par là Umibozû, Saeko ou encore Miki ! Je parle plutôt des clients de City Hunter. Si le schéma est à chaque fois le même (la cliente fait appel à Ryô, se fait malgré tout enlever, se fait sauver de façon classieuse), Hôjo s’est attaché à développer ces personnages temporaires.
Il n’hésite pas à dépeindre des situations familiales souvent complexes (thème que l’on retrouvera dans Family Compo en 1996) : des princesses destinées à endosser la responsabilité de tout un royaume et se privant de liberté à la femme qui souhaite venger le meurtre d’un proche, resté impuni par le système judicaire Japonais. Prenant le contrepied de ses camarades, ce shônen n’est pas scindé en plusieurs arcs mais en différentes affaires, chaque rencontre apportant son lot de nouveautés.
Si le soin que l’auteur apporte à la profondeur de tous ses héros est honorable, l’ennui pointe parfois le bout de son nez et on se surprend à espérer quelque chose de « neuf », ce que tend à faire l’auteur passé la quinzaine de tome. Sa popularité permit à City Hunter de revenir à des chapitres plus sombres et par extension, bien plus intéressant. On fait par exemple la lumière sur le passé de Ryô aux Etat-Unis, on nous dévoile son passé de mercenaire. Il faut donc être patient avant que l’histoire ne finisse par se recentrer, plus régulièrement, sur son protagoniste.
Le manga et l’anime
C’est habituel pour les séries à succès : deux ans après sa première parution dans le Weekly Shônen JUMP en 1985, City Hunter est adapté en un anime de 140 épisodes dès 1987. Ces épisodes sont scindés en 4 saisons: City Hunter (1987), City Hunter 2 (1988), City Hunter 3 (1989) et City Hunter’91 (1991). L’œuvre passera par la case cinéma (Amour, Destin et un magnum 357 en 1989), en deux OAV (Bay City War et Complot pour un million de dollar en 1990), un téléfilm spécial (Services secrets, en 1996) et deux TV Spéciaux (Goodbye my sweet heart en 1997 et La mort de Ryo Saeba en 1999).
C’est à Sunrise que le titre est confié, un choix dont je ne connais pas l’origine et difficile à comprendre : ce studio est plus connu pour ses franchises de Mecha (Mobil Suit Gundam entre autre) que pour des productions de shônen. C’est Kodama Kenji (Réalisateur sur Detective Conan, Lupin the third, Tales of The abyss) qui occupe le poste de la réalisatrice sur la plupart des médias de la série et c’est Sachiko Kamimura (Cat’s Eyes, Black Jack) qui est en charge du Chara-Design.

Il n’a pas du tout être aisé de transposer l’oeuvre à la télévision.
Que vaut concrètement l’anime ? A mon sens, les deux se complètent. Le dessin de Tsukasa Hôjo surclasse clairement celui de l’anime, qui ne rend pas du tout honneur au manga. Je trouve même qu’il le dessert, mais le réalisme, la mise en scène et la qualité du dessin du mangaka ne sont pas égalables. Les jeux d’ombre et de lumière, le travail fait sur les visages, les corps sensuels des femmes : seul le maître parvient à atteindre les sommets dans cet art. Le seul reproche que l’on pourra faire à l’auteur est la ressemblance entre les visages féminins, mais la plupart des dessinateurs ont du mal avec cela.
La censure étant passée par là, les érections de Ryô sont purement et simplement supprimées. Ceci étant, ce n’est pas vraiment un mal et City Hunter ne perd rien de son humour pour autant. Les fillers sont nombreux, mais s’insèrent parfaitement avec les autres affaires que doit régler notre héros. Ils font même parfois avancer la relation entre Ryô et Kaori. Certains épisodes ne suivent pas la chronologie du manga et amènent des incohérences malvenues, dû au fait que le staff de l’anime doit attendre que le manga avance suffisamment avant de le porter à l’écran. Les films n’apportent rien de plus par rapport au reste de la série et demeure de long épisode, bien que plaisant à suivre.
Globalement, la plus value de l’anime est due au simple fait de voir ces personnages prendre vie. La bande son est de qualité, le doublage aussi et l’animation demeure correcte pour l’époque, mais il faudra véritablement se tourner sur le support papier pour apporter la conclusion que mérite cette histoire. Si vous passez outre la redondance des affaires, City Hunter est à lire absolument pour la richesse de ses personnages, son dessin prodigieux et la qualité de sa mise en scène.
