Aujourd’hui, on va s’intéresser à un VN qui a beaucoup fait parler de lui à l’époque de sa sortie, et même encore maintenant. Je vais présenter brièvement la curieuse histoire qui entoure sa création, que vous connaissez sans doute si vous vous y êtes intéressé un minimum : les fondations de Katawa Shoujo ont été posées par une illustration de RAITA publiée en 2007 sur 4chan par un Anonymous, qui présentait des filles handicapées en tant que possibles héroïnes de galge. Jugeant l’idée intéressante, un groupe de motivés se sont unis pour former Four Leaf Studio, avec l’intention d’en faire une réalité. Après la sortie en 2009 d’une démo comprenant l’acte 1 du VN, la version finale est arrivée en 2012. Je me souviens d’avoir téléchargé la version finale le jour même de sa mise à disposition sur le site officiel anglais, avant de la laisser poireauter dans mon disque dur par manque de motivation… Quand il a enfin bénéficié d’une traduction française complète par Kawa Soft, je me suis précipité pour l’acheter en version physique, avant de la laisser poireauter et prendre la poussière… Finalement, à cause de l’alignement parfait des astres qui ne se produit qu’une fois tous les cinq mille ans, ma motivation est revenue telle une loli qui saute joyeusement sur son onii-chan. Ça y est, j’ai pu expérimenter ce VN qui a fait découvrir le média à la plupart des néophytes américains et peut-être aussi à vous.
Je ne suis peut-être pas un fin connaisseur de VNs amateurs, mais celui qui fait l’objet de cet article fait clairement partie des VNs qui m’ont le plus marqué. J’avais des attentes assez grandes vu tout le raffut que l’on faisait dessus, et malgré ça, je n’ai pas été déçu de cette expérience. Mais attention, cela ne signifie pas qu’il est dénué de défauts : il y en a, mais ils ne sont pas rédhibitoires.
Comme à chaque fois, je donne mon avis sur les routes de chaque fille dans la partie consacrée à la présentation des personnages. Bien entendu, j’ai fait en sorte de limiter les spoils au maximum : l’intrigue n’est jamais divulguée, mais mon impression peut porter sur des détails que vous auriez préféré ne pas savoir avant. Si vous n’avez pas encore lu la route en question, mon avis ne vous gâchera pas la surprise mais il vous influencera peut-être. Enfin, le choix est vôtre.
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Tout le cadre était parfait pour que ce jour soit le plus beau de sa vie : malgré la neige et le froid, Hisao allait enfin voir la fille qu’il aime, Iwanako, se déclarer à lui. Sauf que rien ne se passe comme prévu : au moment de la confession, son cœur s’emballe et il fait une crise cardiaque. Dans son lit d’hôpital, Hisao sait que plus rien ne sera comme avant à cause de cette arythmie, qui menace son existence à chaque instant. Les amis qui lui rendaient visite ont arrêté de venir, et même sa petite-amie a fini par l’abandonner à sa solitude. Son salut réside alors dans une école privée, Yamaku, ouverte spécialement pour les élèves atteints d’un handicap physique. En dépit de la présence d’une équipe médicale, tout est fait pour qu’ils puissent obtenir leur diplôme dans des conditions presque normales. Ainsi, Hisao devra s’habituer à sa nouvelle vie et apprendre à écouter ce que dicte son cœur.
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Hisao Nakai : Hisao est un adolescent ordinaire, jusqu’au jour où une crise cardiaque lui souffle qu’il est atteint d’une arythmie, qui est une maladie grave du cœur. Depuis, il a intégré Yamaku, une école aménagée pour les handicapés physiques. Il va peu à peu s’accoutumer à ce nouveau quotidien et changer de regard sur ces personnes discriminées par la société qui, au final, ne sont que des adolescents parmi tant d’autres. Bien qu’un peu renfermé à cause de son état, Hisao n’en demeure pas moins gentil et soucieux de ses nouveaux compagnons. Il conserve de son séjour à l’hôpital une passion pour la lecture et a une grande aisance dans les matières scientifiques.
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Note : Les filles sont présentées dans l’ordre des routes lues.
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Shizune Hakamichi (à gauche sur l’image) : Shizune, la présidente du conseil des élèves, est une personne qui adore la compétition et trouve toujours un motif pour transformer n’importe quelle situation en défi. Vu qu’elle est sourde-muette, elle communique par la langue des signes et se fait aider par sa meilleure amie et interprète Misha afin d’être comprise des non-initiés. Elle déploie toute son énergie pour que la vie scolaire se déroule convenablement, quitte à exercer ses talents de manipulatrice. En dépit de ses efforts, son caractère autoritaire la tient à l’écart des autres élèves.
Shiina Mikado (Misha) : La meilleure amie de Shizune, surnommée affectueusement Misha, est un concentré d’énergie et de bonne humeur. Elle rit souvent à gorge déployée et ne sait pas parler de manière discrète. En tant qu’interprète de Shizune, Misha est très talentueuse vu qu’elle peut à la fois parler et signer tout ce qui est dit dans une conversation. Elle assiste d’ailleurs son amie dans le conseil des élèves et l’aide à recruter de nouveaux membres.
La route de Shizune est la première que j’ai lue. Il y a une raison à cela : de ce que j’ai pu constater en lisant les avis des lecteurs, cette route serait la moins bonne du VN. Comme je suis du genre à garder les meilleures choses pour la fin, je n’ai pas hésité à faire de la route de Shizune la première étape de ma lecture. D’ailleurs, même sans ces avis, je pense que j’aurais quand même commencé par celle-ci vu que le personnage de Shizune ne m’inspirait pas grand-chose tout au long de l’acte 1. Sans doute est-ce dû à mon allergie aux lunettes (alors que j’en porte moi-même, hum) et son chara-design que je n’ai pas trouvé spécialement attractif, comparé à celui de Misha. Toujours est-il que j’ai trouvé cette route pas vraiment top, même si je n’ose pas dire qu’elle est mauvaise. En fait, j’aurais bien du mal à dire ce que j’ai aimé dans cette route : Shizune était un personnage sympa mais sa manie de lancer une compétition pour tout et n’importe quoi m’exaspère ; la romance n’est pas assez poussée ni même crédible, on se demande même si les deux personnages s’aiment vraiment ; les personnages secondaires ne sont introduits que pour faire chier le héros et rien d’autre (je pense surtout à ce grand dadais super arrogant) ; et l’histoire dans l’ensemble manquait d’évènements marquants et de tension. J’aime beaucoup Misha, plus que Shizune en tout cas, et le fait qu’on la voie souvent, mais je trouve qu’elle n’a pas été assez bien traitée sur le plan dramatique. D’ailleurs, je fais partie des gens qui demandent une route rien que pour elle (et ces gens ont raison, wahaha ~ !). Enfin, le dénouement a été amené de manière trop brusque et maladroite, et ce sentiment est d’autant plus renforcé dans la mauvaise fin, laquelle comporte en plus une incohérence de taille concernant Misha. Bref, même en sachant que la route de Shizune faisait partie des moins intéressantes de KS, je n’ai pas pu m’empêcher d’être déçu. C’est bien dommage.
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Rin Tezuka : Rin est une peintre talentueuse qui, dépourvue de bras, se sert de ses pieds pour exprimer son art. Ses membres inférieurs lui permettent également d’accomplir certaines actions de la vie quotidienne comme se nourrir, mais elle peut compter sur l’aide de son amie Emi quand son incroyable habileté ne suffit plus. Dotée d’une personnalité particulière, Rin semble insensible et divague souvent lorsqu’on lui parle, s’attardant sur des réflexions philosophiques obscures, et montre des difficultés à trouver les mots justes, ce qui la rend difficile à approcher.
En tant que deuxième route empruntée, celle de Rin ne s’en sort pas trop mal. Pourtant, mon avis était plus mitigé au début : la passivité de Rin était déconcertante, pas seulement pour le héros. Les conversations étaient perchées, je ne ressentais aucune sympathie pour une fille aussi peu démonstrative. Enfin, c’est normal, c’est le caractère un peu bizarre qu’on lui a collé. Il fallait bien une fille un peu louche dans le casting, et l’artiste du groupe faisait bien l’affaire. L’inconvénient, c’est que la manière d’être de Rin peut fortement rebuter le lecteur, qui espérait peut-être un peu plus qu’une héroïne mollassonne. Mais contrairement à la route de Shizune, il y a un réel effort apporté à l’évolution de cette demoiselle au fur et à mesure qu’elle est en contact avec Hisao, une évolution qui se veut loin d’être simple. Elle est en proie au doute, elle s’interroge sur elle-même, se torture pour comprendre, et cela rend le personnage de Rin beaucoup plus profond et plus intéressant qu’on ne le pensait. En fait, elle peut être mignonne, quand elle le veut. La relation singulière qu’elle entretient avec Hisao peut s’avérer frustrante, même vers la fin, mais il y a un petit quelque chose de poétique dans cette route.
Dans l’ensemble, la route de Rin n’est pas dénuée de charme, d’autant qu’elle est peut-être celle qui a demandé le plus de travail en termes d’écriture. Le personnage lui-même est vraiment à part et on s’y attache malgré sa bizarrerie. Il n’y a qu’à la voir dans la route d’Emi pour se demander si elle ne fume pas l’herbe de l’école quand elle s’ennuie. En dépit de ces points positifs, je n’ai pas pu m’empêcher de trouver le temps long par moment, comme si l’écrivain faisait trainer certains passages. Et bien que Rin puisse se révéler assez attachante, j’ai été davantage conquis par Emi, Lilly et Hanako. En tout cas, sa route reste au-dessus de celle de Shizune, c’est sûr et certain.
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Emi Ibarazaki : Bien qu’elle ait perdu ses jambes dans un accident, Emi peut se vanter d’être la fille la plus rapide du club d’athlétisme avec ses prothèses. Mignonne et rayonnante en toute circonstance, elle jouit d’une popularité certaine auprès de ses camarades. Toutefois, cela n’empêche pas Emi de manifester son mécontentement lorsque quelqu’un abandonne sans chercher à surmonter les difficultés.
Avec la route d’Emi, j’ai pu trouver une romance comme je les aime. Pas une romance sans tension comme avec Shizune, pas une romance éreintante comme celle de Rin, mais une romance avec des hauts et des bas, bien rythmée et qui me donne un sourire satisfait à la fin. Contrairement à Rin, Emi est beaucoup plus démonstrative dans son affection et plus attirante, que ce soit du point de vue du design (ma première réaction en la voyant a été : « Oh, elle est mignonne ! ») ou de l’attitude. D’ailleurs, cette route est plutôt prompte à lancer la relation entre Hisao et Emi, bien plus que dans les histoires précédentes, et nom de nom, cette fille peut être très… entreprenante. Cette histoire m’a particulièrement touché vu que j’ai trouvé un certain réalisme à la relation décrite, elle est plus complexe qu’elle n’en a l’air, autant que la demoiselle qui y est engagée. Derrière cet air innocent, Emi est consciente de la réalité à laquelle elle est confrontée et ne fait preuve d’aucune naïveté. Il y a un moment où j’ai vraiment ressenti de la compassion pour Hisao et de l’inquiétude pour son avenir avec Emi. Mon cœur a eu quelques élancements durant la lecture, malgré une prévisibilité imputable à une intrigue qui sent un chouïa le déjà-vu. Mais cette route surpasse les deux précédentes à mes yeux, je me suis soucié de ce couple comme le ferait un vieil ami qui veut que tout s’arrange dans le meilleur des mondes.
Dans l’ensemble, Emi et sa route m’ont vraiment plu, et je me souviendrai sans doute encore longtemps de cette étrange odeur citronnée… !
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Lilly Satou : Atteinte de cécité depuis la naissance, Lilly n’en est pas moins une fille aimable et serviable qui sait pardonner les maladresses de langage visant son handicap et qui fait facilement office de figure maternelle auprès des autres élèves. D’ailleurs, son sens de la responsabilité lui a valu d’occuper la fonction de déléguée de classe, fonction qu’elle assure avec sérieux. Durant les pauses, Lilly aime souvent s’isoler dans une salle de classe avec Hanako, sa meilleure amie, pour savourer un thé en toute sérénité.
Comme j’ai pu le constater, la plupart des lecteurs désignent les routes de Lilly et de Hanako comme étant les meilleures de Katawa Shoujo, et celle de Lilly serait la route canon (propos à prendre avec de grosses pincettes, car il n’y en aurait pas dans ce VN). J’ai eu beaucoup de mal à me décider sur la route à garder en dernier, Lilly et Hanako étant des personnages qui ont attiré toute mon attention au cours de l’acte 1. Finalement, mon choix s’est porté sur Lilly, cette aveugle si élégante dotée de magnifiques cheveux blonds. Pour ceux qui ne me connaissent pas trop, j’ai toujours aimé les cheveux blonds, que ce soit dans la vraie vie ou dans les fictions. Devant de telles merveilles, je peux agir comme Shinobu de Kiniro Mosaic : « Kyaa, kinpatsu shoujo ! », ce qui est sans doute imputable à ma lassitude des cheveux asiatiques… Quoi qu’il en soit, la route de Lilly a su me donner ce que j’attendais d’elle : des moments adorables et mémorables en compagnie d’une fille magnifique. J’avais peur que cette quasi-perfection ne rende Lilly creuse et inintéressante, mais comme tout le monde, elle a ses propres faiblesses qui la rendent terriblement attachante, comme ses diverses addictions et les fois où elle relâche son masque de parfaite ojou-sama (sans en dire plus, je me souviens d’une scène qui m’a choqué à tel point que j’ai éclaté de rire). Tout de même, on s’aperçoit qu’il n’est pas évident de parler à Lilly à cause de son handicap et des multiples expressions impliquant la vue dans notre langue. Heureusement, elle ne s’offusque pas quand Hisao, pour ne citer que lui, lâche un « Je vois » ou quelque chose de ce genre-là sans y penser. À propos de la route de Lilly, elle n’innove en rien et s’avère même rongée par la facilité, mais elle délivre une histoire efficace : cela nous rappelle que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Dommage que la fin neutre ne soit pas super intéressante, étant donné qu’elle est une forme abrégée de la bonne fin et ne donne accès à aucune scène supplémentaire.
En tout cas, j’ai été comblé, mais il est vrai que certains pourront trouver cette histoire clichée et pas assez recherchée, surtout lorsque les critiques sont généralement élogieuses à son égard. Je placerais la route de Lilly au-dessus de celle d’Emi, mais d’un tout petit peu.
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Hanako Ikezawa : Sévèrement brûlée par un incendie durant son enfance, Hanako est marquée à vie par des cicatrices qui recouvrent presque la moitié de son corps, dont le visage. À cause de cela, elle fait très attention aux regards des autres et préfère s’isoler dans la bibliothèque pour ne pas avoir à supporter des questions intrusives, voire des propos dégradants sur son physique. Cette habitude l’a rendue extrêmement timide et elle n’a pas d’amis en dehors de Lilly.
Je peux vous le dire maintenant : je n’ai aucun regret concernant le fait d’avoir bouclé KS avec la route de Hanako. Et pour cause, elle est clairement ma préférée. C’est amusant vu que si on s’attarde sur mon ordre de lecture, chaque nouvelle route terminée était toujours meilleure que la précédente, même d’un iota. Si on en revient à Hanako, je suis persuadé que cette fille peut aviver l’instinct paternel de la majorité des hommes de cette planète. Bien qu’elle soit difficile à approcher et que tout contact doive être parfaitement mesuré pour ne pas la faire fuir, chaque sourire qu’Hanako esquisse est un trésor inestimable à faire fondre n’importe quel cœur (plus particulièrement le mien). Il faut le dire : Hanako est absolument A-DO-RABLE ! Et n’allez pas croire que c’est seulement mon penchant pour les filles timides qui parle… Mais évidemment, si vous êtes allergiques à ce type de filles, il y a un risque qu’elle vous laisse de marbre ou vous agace (dans ce cas, vous êtes une horrible personne, nyark nyark).
L’histoire de Hanako est la plus dramatique du VN, son passé n’est pas quelque chose à envier, son présent est morne et son avenir incertain. On aurait presque envie de traverser l’écran pour la réconforter à la place de Hisao. Cette route n’a pas la complexité de celle de Rin, ni le réalisme de celle d’Emi, ni le classicisme de celle de Lilly, mais un mélange de douceur et de froideur qu’il n’y a pas dans les autres. Communiquer avec Hanako, c’est comme essayer de désamorcer une bombe : il faut bien gérer les fils, et à la moindre erreur, tout saute. Sa route aborde un thème largement utilisé en montrant combien il est difficile de vivre dans une société où l’apparence compte énormément : tandis que Hanako ne risque pas de mourir d’une crise cardiaque, n’est pas freinée dans ses mouvements par une cécité ou des membres manquants, ces marques sur son corps et le regard des autres suffisent à s’élever comme un obstacle à sa vie sociale. Hanako est sans doute l’héroïne qui a le plus besoin d’aide pour surmonter sa peur et ses mauvais souvenirs. Ce sujet est bien traité dans sa route et on se surprend à encourager Hisao dans ses initiatives pour la faire sortir de sa coquille.
Bref, j’adhère totalement à la route de Hanako. Un petit conseil quand même : faites dans l’ordre la mauvaise fin, la fin neutre puis la bonne fin si vous y arrivez (et si vous ne voulez pas tenter le diable, ayez recours au walkthrough !). Il n’y a rien de plus déprimant que de quitter sa route, voire le VN lui-même, sur une note aussi… déprimante. Sans déconner, je transpirais en lisant sa mauvaise fin…
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Comme vous le savez, la particularité de Katawa Shoujo réside dans les circonstances entourant sa naissance mais surtout dans le cadre qui a été choisi : un lycée pour handicapés. Une romance entre deux personnes atteintes d’un handicap physique, décrite d’une manière se voulant réaliste, pourquoi pas après tout ? D’ailleurs, combien de VNs japonais ont-ils osé s’aventurer vers une intrigue de ce type, quitte à délaisser le schéma surexploité d’un lycée « ordinaire » où se côtoient étudiante transférée tsundere, amie d’enfance dere dere, imouto attachante, senpai se comportant comme une grande sœur, etc. ? Je n’en connais pas la réponse, mais très peu, j’imagine. Sinon, l’engouement de Katawa Shoujo aurait été bien moindre.
Toujours est-il que Four Leaf Studio a fait un pari fou tout au long du développement de ce VN, surtout qu’il comporte des scènes érotiques. Si la romance entre deux personnes handicapées ne pose pas de problème, le contenu mature quant à lui peut être très mal perçu d’un point de vue éthique, vision que je n’ai pas besoin d’étayer à mon avis. Enfin bon, il serait très malvenu de résumer KS à des scènes érotiques entre handicapés, car ça ne représente qu’une partie infime du VN (trois scènes grand maximum par route, qui n’ont rien de révoltant, dont on peut se dispenser en cochant une case dans les options).
Katawa Shoujo est surtout une compilation d’histoires de couple. Là où certains VNs préfèrent fixer la conquête d’une héroïne comme objectif final, après que le protagoniste a traversé vents et marées pour renforcer leurs liens, KS prend plutôt le parti de se concentrer sur les difficultés à surmonter dans une relation officialisée. Ce VN prend le contrepied du conte où la princesse et le héros finissent ensemble, se marient, vivent heureux et ont beaucoup d’enfants. Du moins, les interactions entre Hisao et les filles ne sont pas aussi simples que ça, même après la formation du couple.
Pour commencer, l’acte 1 donne un avant-goût des différents personnages de l’histoire, ce qui est un choix d’écriture tout à fait banal. Il faut quand même admettre que cette partie-là est lente, et le lecteur pourrait rêvasser pendant la lecture, s’il ne décroche pas complètement en éteignant la fenêtre. Dans mon cas, je trouvais que l’acte 1 se concentrait trop sur Shizune et le conseil des étudiants, alors qu’elle n’était pas ma tasse de thé. Misha passait, et encore, son attitude bruyante me faisait grimacer au début.
Ensuite, quand l’acte 2 arrive enfin, les choses prennent une tournure plus intéressante car on se focalise désormais sur une des filles en particulier. Et pour ça, le lecteur peut jeter son dévolu sur une des cinq filles présentes : Shizune la sourde-muette impétueuse, accompagnée de Misha l’interprète excitée, l’énigmatique Rin à qui il manque les deux bras, la joyeuse Emi qui a été amputée des deux jambes, Lilly l’élégante aveugle et la timide Hanako qui est marquée par des traces de brulures. Ces héroïnes ont leur caractère propre, certes, mais on s’éloigne des canons japonais : pas de tsundere, pas de yandere, de kuudere, d’osananajimi, d’imouto, etc. C’est plutôt rafraichissant d’avoir des archétypes qui n’entrent pas dans ces cases. Concernant l’ordre de cette énumération, il n’est pas anodin : j’ai commencé par parler de Shizune, qui a la route que j’ai le moins appréciée, avant d’arriver à Hanako, ma grande préférée. En clair, cela donne ça : Shizune < Rin < Emi < Lilly < Hanako. D’ailleurs, je vous conseillerais de les lire dans cet ordre, mais cela dépend de votre ressenti sur les personnages. Je vois pas mal de gens apprécier le côté perché et complexe de Rin, alors que cela m’a moins attiré ; tandis que certains lecteurs appréciaient beaucoup la route de Shizune et trouvaient la route de Lilly inintéressante au possible. Tout est affaire de goût, il n’y a pas d’exception dans KS. Mais globalement, sachez que les routes de Lilly et de Hanako ont la faveur des lecteurs. D’ailleurs, il est amusant de lire que certaines personnes aient du mal à aborder une autre route que celle qu’elles ont lue en premier, pour ne pas trahir la fille en question. C’est une réaction que je comprends parfaitement, j’avais moi-même de la réticence à l’époque où j’étais encore sur Shuffle! et Da Capo. Je suis même content qu’ils éprouvent ce sentiment : c’est une preuve d’attachement qui sous-entend qu’il y a eu du travail dans le traitement des héroïnes, mais aussi que KS les a fraichement introduits dans l’univers des VNs. Sachez qu’à côté de ces routes normales, il y a aussi une route très particulière qui concerne Kenji, le voisin chelou de Hisao, si aucune héroïne n’a été visée par le lecteur.
Bien que la qualité des routes soit inégale (les écrivains étant différents), on ne peut pas négliger les efforts dans leur écriture. Ça se lit bien et chacune des branches nous plonge dans une histoire à part entière. Après, pour ce qui est de la meilleure route, c’est celle qu’on apprécie le plus, c’est tout. On remarque que la manière dont les handicaps sont traités est vraiment bonne : ce n’est pas cru, mais ce n’est pas non plus pris avec des gants en velours dans une volonté de ne pas choquer ou quoi que ce soit. En gros, il y a des filles, elles ont un handicap, mais bon sang, elles restent des personnes qui agissent comme tant d’autres ! Il n’y a pas besoin de les voir avec de la pitié ou un enthousiasme qui sonne faux, et elles sont abordées dans cet esprit-là par les écrivains. Certes, on ne peut pas faire le faux-cul et prétendre qu’elles sont comme les autres, mais pour être franc, on assimile leurs différences et on n’y prête plus attention au cours du récit.
Ainsi, on en sort avec une vision plus tolérante, mais je n’oserais pas dire que cette expérience permettra à chacun de traiter un handicapé avec autant de facilité que Hisao à la fin du VN. Nous ne sommes pas des personnages de fiction, mais il est certain que ça aide à ressentir des sentiments plus positifs à l’égard de ces personnes. Et ça, c’est bien.
En tout, il faudra une vingtaine d’heures pour terminer le VN dans son intégralité, en comptant les fins mauvaises, neutres et bonnes.
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Étant donné que plusieurs dessinateurs ont bossé sur KS, il faut s’attendre à une qualité qui oscille selon les créations. Les sprites de Lilly sont plus raides que les autres, tandis que ceux d’Emi ont des contours hachés. Ceux de Hanako, Shizune et Misha sont bien plus lisses, et les personnages secondaires sont représentés plus ou moins joliment. Concernant les CGs, le fossé qui sépare le plus beau du moins abouti est vaste, ce qui est quand même fâcheux. Mais lorsque c’est beau, c’est vraiment magnifique…

Le CG souvent montré pour mettre en évidence la splendeur de certains CGs. Et encore, ce n’est pas le plan final.
Il y a également du contenu érotique, mais pas d’inquiétude, il reste très soft, il n’y a pas de fétiches inconvenants et si vous trouvez ça vraiment rebutant, désactiver ces scènes est possible. Pour débloquer tous les CGs, il ne faut pas négliger les fins alternatives. Comme ce qui se fait d’habitude, une galerie est disponible pour les revoir, en même temps qu’une bibliothèque de scènes.
Il faut absolument mentionner les cinématiques qui ouvrent chaque route du VN. Pour une production non professionnelle, le niveau est très correct, elles sont toutes fluides et bien réalisées. Pour ma part, j’adore la joie exprimée dans celle d’Emi, mais celle de Hanako est plus impressionnante du point de vue technique. Pour les admirer en boucle, un accès rapide est aussi mis à disposition dans les Extras.
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Dès l’écran-titre, on est accueilli par un joli morceau de piano, « Wiosna ». Au cours de notre aventure, on notera surtout les pistes « Afternoon » pour sa tranquillité, « Caged Heart » pour son côté sérieux et « Out of the Loop » pour les moments loufoques avec Kenji. Le reste est de bonne facture, majoritairement composé au piano, mais on les oublie facilement.
Comme pour les CGs, un juke-box est disponible pour les écouter à nouveau.
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KatawaShoujo est une franche réussite. Le travail qui a été fourni derrière est énorme pour une production non professionnelle et le retentissement de ce VN a su rendre le média plus visible chez les Américains, mais aussi en dehors de leurs frontières, chez nous. Le thème du handicap est bien traité, sans heurter les règles de la convenance et sans non plus s’arrêter à une vision trop positive et irréaliste de ces troubles. J’ignore si c’est suffisamment réaliste, mais ça l’est plus que la majorité des VNs professionnels que j’ai lus jusqu’à présent. J’ai beaucoup aimé les routes de Hanako, Lilly et Emi, mais cela ne vous interdit pas d’apprécier le reste. En tout cas, je vous le conseille !
