Diriger une prison ! Gérer les détenus, faire des fouilles pour trouver la contrebande, mater les émeutes, offrir des programmes de réinsertion ou favoriser la peine de mort… c’est trop cool ! Enfin un jeu de gestion qui sort des sentiers battus et qui fait écho au visionnage des deux saisons de Orange is the new black que je viens de me regarder, je ne peux qu’adorer si c’est bien fait.
Et c’est en effet fichtrement complet !
La simple construction de la prison que l’on va diriger requiert déjà une attention de tous les instants, nous obligeant, au vu de notre budget serré, à faire des choix de direction : offrir des cellules convenables et en assez grand nombre ? Nourrir correctement les prisonniers grâce à une cuisine fonctionnelle et un réfectoire assez grand ?
Offrir une aire de loisirs propice à l’exultation des tensions ? Ou tout simplement avoir assez de personnel pour entretenir l’établissement et surtout en surveiller les habitants, pour leur sécurité comme pour le votre ? Impossible de faire tout à la fois dès le début, il faudra que certains aspects attendent un peu, tout le challenge étant dans la façon de faire patienter les prisonniers en attendant.
De plus, le temps consacré à la construction des lieux est limité, et nos ouvriers travaillent en direct devant nos yeux. Les choses ne se faisant donc pas par magie, il faudra apprendre à organiser correctement le travail pour qu’il ne s’empêche pas lui-même de s’accomplir. Un exemple pour mieux cerner le concept ? Le matériel nécessaire à la construction des bâtiments est livré par défauts à l’entrée de la zone, mais dès lors que vous aurez construit un lieu de stockage, il sera acheminé dans cette nouvelle pièce pour plus de praticité. Mais si vous y mettez une porte de prison sécurisée en vous disant que ça empêchera les prisonniers d’y aller, il faut tenir compte du fait que seuls les gardiens sont habilités à ouvrir ces portes.
Chaque ouvrier allant chercher un outil ou une planche devra donc attendre qu’un gardien traverse la map pour venir lui ouvrir (en supposant que vous n’ayez pas tout simplement oublié de vous occuper d’embaucher des gardiens), ce qui va retarder considérablement la construction, voire la bloquer. Et vous vous retrouverez ainsi avec l’arrivée de nouveaux prisonniers dans des bâtiments même pas finis et non fonctionnels… le bordel, quoi !
Et le reste du jeu a l’air tout aussi complet et fourmillant de petites idées très sympathiques comme le budget impossible à gérer tant qu’on aura pas embauché une comptable, ou encore le fait que hiérarchiser les gardiens en embauchant un gardien en chef permettra d’installer des caméras de surveillance pour plus d’efficacité. Tous les aspects de gameplay se débloquent ainsi au fil des embauches et de l’extension de la prison de façon très naturelle et réaliste, contrastant délicieusement avec le design simpliste du titre.

et que se passe-t-il dans les douches d’une prison ? Eh ben c’est le bordel… Ouais, j’aimerais que la notion d’abus sexuels soit pris en compte dans le jeu, mais j’ai peur que ce soit encore trop subversif…
Et pourtant je n’ai fait que 4 parties et je ne compte pas y rejouer pour le moment. Pourquoi ? Parce que c’est un early access. Le concept existe depuis quelques temps déjà mais je n’avais jamais encore tenté d’acheter un jeu en early access, voilà qui est chose faite et je le regrette. Car je me suis vite retrouvé avec un sentiment très désagréable : l’impossibilité de juger. Déjà parce que le pseudo tutoriel disponible est rachitique et ne présente quasiment aucune des subtilités indispensables pour évoluer dans le jeu. Résultat, face à chaque incompréhension, je ne savais jamais s’il s’agissait d’un bug, si c’est moi qui ne comprenait pas un truc évident, ou si c’est un point qui ne sera expliqué que dans un tuto encore en construction. Et c’est horriblement frustrant ! Sur 4 parties (soit environ 6 heures de jeu tout de même), 3 m’ont menées dans un mur et j’ai été incapable d’accueillir les prisonniers à l’ouverture. Obligé de chercher sur internet ce qui n’allait pas, comprendre mon oubli qui était franchement impossible à deviner sans tuto, et constater qu’il faudrait un budget conséquent que je n’ai pas pour corriger le tir. Plus qu’à tout recommencer, encore et encore… et si j’ai enfin pu avoir mes premiers prisonniers au quatrième essai, tout le monde s’est fait tuer par une émeute deux jours plus tard parce que rien n’allait dans la prison.

il va falloir faire un peu de ménage si on veut que la prison ait une bonne réputation aux yeux du grand public ^^"
Avec de tels tâtonnements, il m’aurait fallu une dizaine d’essais et de nombreuses recherches sur le net pour espérer comprendre ce qui se passe. Pas gérer, juste comprendre. Alors oui, une partie du plaisir des jeux de gestion vient justement de l’apprentissage par l’échec, mais pour que cet apprentissage fonctionne, il faut que l’on nous fasse comprendre ce qui n’a pas marché. Et le jeu est tellement complet qu’il est impossible de cerner le soucis sans aide extérieure dans l’état actuel des choses. Quasiment aucun plaisir de jeu, donc.
Et ça nous ramène à cette impossibilité de juger un jeu en early access. Quel est donc le but de faire un jeu à ce stade ? Passer 3 fois plus de temps que prévu en gâchant un maximum de plaisir juste pour arriver à un stade correct de maîtrise du jeu alors que la version finale aurait peut-être fait tout ça naturellement et de façon agréable et ludique ? Et encore c’est de l’hypothétique, vu qu’on ne peut pas savoir ce qui va encore être fait avant la sortie.
L’avocat du diable qui est en moi me rappelle qu’un grand bandeau bleu signalait sur la page d’achat que le jeu était en early access et donc non fini. Ok, c’est vrai, je l’ai acheté de mon plein gré, pour voir… mais c’est le concept même qui du coup me chagrine. A mes yeux, un jeu en early access n’a rien a faire dans la même liste que les jeux finis à acheter, bandeau ou pas bandeau.
Ils devraient être réunis dans un onglet à part, assimilable aux différents steam greenlight ou autres kickstarters, qui font qu’on est bien conscient que l’argent que l’on débourse n’est pas juste pour avoir le jeu quelques mois en avance, mais bel et bien pour soutenir un jeu encore en construction. En plus, je trouve que ça favorise une certaine paresse, car si le concept plaît et que l’argent tombe grâce au early access, autant prendre tranquillement son temps pour le finir… et de ce fait, cela fait plus d’un an que le jeu est en early access, et toujours pas de date de sortie prévue.

Gérer la peine de mort n’est pas un moment facile… faut acheter un local électrique plus grand pour supporter la nouvelle consommation de jus.
Bon, là, je suis méchant parce que si ça se trouve, les concepteurs sont des gars très bien qui triment comme des malades et sont passionnés, mais vous voyez le principe. Le concept d’Early Access est flou et devrait rester dans le cadre du soutien de projet plutôt que de l’accès anticipé. Notons aussi que c’est une bien belle façon d’implanter sous un nouveau nom la démo payante que voulaient certains éditeurs et qui me fait grincer des dents.
Toujours est-il que comme je l’ai dit en première partie, le jeu est extrêmement prometteur, et présente tellement de richesses et d’ingéniosité que l’on ne peut qu’espérer que les dernières finitions corrigeront correctement les bugs et autres approximations, et surtout qu’un tutorial conséquent et bien pensé permettra une vraie expérience de jeu intuitive et immédiate. Lorsque le jeu sera officiellement fini, je ne manquerais pas de relancer mon exemplaire pour voir ce que Prison Architect vaut vraiment.
