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Shokushu-no-daifukkatsu - Impressions sur le conte de la princesse Kaguya

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Rappelons la teneur du conte du coupeur de bambous : trouvant un jour une minuscule jeune fille à l'intérieur d'un bambou creux, un vieux coupeur de bambou et sa femme décident de l'adopter et de l'élever. La jeune fille grandit en taille et en beauté, et désormais nomée Kaguya-hime pour la resplandicsance de sa beauté, cinq nobles commencèrent à lui faire la cour une fois arrivée à l'age de se marier; mais ne désirant poru sa part n'en épouser aucun, Kaguya leur demanda de triompher de quêtes impossibles et de lui rapporter certain des trésors les plus rares de ce monde: certains essaient en vain de la tromper en lui apportant des faux, les autres renoncent ou même meurent... bientôt, c'est l'empereur du Japon même qui demande à la rencontrer, mais même lui n'arrive à faire fléchir son coeur. Parallèlement, Kaguya sombre dans une profonde mélancolie et finit par révéler ses origines lunaires : elle doit quitter les gens qu'elle aime, tels ses parents, et retourner sur l'astre des nuits. Contre son gré, une délégation d'êtres lunaires vient la chercher : elle goût de l'élexir d'immortalité, revet la robe de plumes, et laissant ses souvenirs de sa vie sur Terre derrière elle, rejoint son peuple sur la Lune.

Le film de Takahata fait l'impasse sur la fin du conte, car probablement hors sujet : refusant l'immortalité, l'empereur détruit l'élixir puis, voulant envoyer un ultime message à Kaguya, il demande à ses guerriers de grimper la montagne "la plus proche des cieux" le mont Fuji pour y brûler sa lettre; le nom de la montagne serait dérivé de cette légende, soit via le terme pour immortalité (fushi/fuji) soit via les kanjis composant son nom et évoquant l'image de nombreux guerriers le gravissant.

Difficile d'insister sur l'importance de ce conte dans la culture populaire nipponne tant les exemples d'adaptation complètes ou partielles abondent : depuis Urusei Yatsura qui ne pouvait passer à côté de cet exemple précoce de mix entre mythe et SF (episode 95, qui reprends et fait s'entremêler plusieurs contes classiques) à une quête annexe de Okami où il fallait réexpédier Kaguya sur l'astre nocturne à coup de fusée-bambou, en passant par le second film de Inuyasha et sa Kaguya yokai, le shoujo manga Sakura Hime par l'auteure de Full Moon o Sagashite, ou encore et surtout le manga Kaguyahime (tout simplement) de Reiko Shimizu, l'auteur de Himitsu (Top Secret) qui signait là, avant sa série prépubliée dans Melody (et adaptée sous forme de série animée plutôt médiocre par Madhouse), la série qui l'a occupée durant toute la décennie des 90s chez Hana to Yume : à partir du conte original (et de l'histoire 11nin iru de Moto Hagio, autre inspiration principale de sa série), Reiko Shimizu invente une histoire de huit-clos sur une ile déserte qui évolue rapidement sous forme de thriller mêlant conspiration internationale et meurtres, clonage et trafic d'organes, le tout auquel serait mêlé des êtres dont l'origine n'est pas sur Terre, et auxquels l'héroine principale semble liée. Servie par le graphisme délicat de l'auteur, la série est l'un des points forts de sa carrière, point fort qui s'est retrouvé violenté par Panini, cette pauvre excuse de faux éditeur / vraie boite à fric qui, suite à l'insuccès du titre dans nos contrées et plutôt que de lâcher la série et se fâcher avec l'éditeur, préfère éditer les volumes au compte-goutte. A Panini la Culture reconnaissante, bref.

J'ai adoré le film de Takahata, c'est un festin visuel qui mériterait le visionnage uniquement pour les décors de Kazuo Oga, un style graphique tranquile et tout en douceur hérité  de mes voisins les Yamadas (15 ans, déjà) ou les séquences sublimes de l'animateur Shinji Hashimoto (la fuite de Kaguya, la course de char à boeuf, la destruction du jardin) qui marquent le spectateur par leur violence venant souligner les sentiments ressentis par l'héroine.

La critique du site de Variety regrette des faiblesses dans la manière dont sont définis les personnages : certains exemples me semblent mal choisis (le manque de chaleur de Kaguya envers ses parents - elle est certes fâchée envers son père, mais passe beaucoup de temps avec sa mère) mais d'autres sont tout à fait pertinents (l'aversion de Kaguya pour ses prétendants - même si ce sont des falots de première catégorie tandis que l'empereur semble sortir des pires pages du Dit du Monogatari -, le fait que le père adoptif reste est avant tout un personnage comique). Ils ne sont pas fâcheux en soit : Takahata était de toute manière contraint dans ce qu'il pouvait faire par le conte d'origine et se contente de rajouter quelques touches au canvas en développant la jeunesse de Kaguya dans la première partie du film ou en rajoutant des personnages secondaires, qui sont avant tout des "trognes" plus que des personnalités, tels la dame de compagnie ou la tutrice, ou les enfants de la première partie.

La jeunesse de Kaguya est le passage le plus joyeux du film et on y retrouve le goût de la poésie champêtre de Takahata, de la mise en scène d'une nature qui vit à la vie en communauté : ça chante des chants de marche avec l'enthousiasme d'un Horus ou d'un Pompoko. La peinture un peu naïve d'une vie aux champs idéalisée et dont la nostalgie poursuivra la princesse tout le reste de son existence terrestre l'humanise terriblement.

Le film est censé avoir pour thème le crime et la punition de la princesse - Selon certaines version du conte d'origine, Kaguya avait été exilée temporairement sur Terre suite à un crime - mais le coeur du film est de voir l'héroine grandir, passer du stade de nouveau-né imitant les grenouillesà celui de gamine joueuse, adolescente imprévisible, jolie jeune femme. Mark Schilling sur Japan Times voit une expression du mono no aware dans la conclusion du film, une manière "de couronner les pérégrinations emotionnelles et spirituelles de l'héroine". J'y vois un exemple parfait de ce qui manque à l'animation contemporaine : un sens du drame et de la tristesse simple des choses ordinnaires.

"The moon is a problem-free world that is too perfect," Takahata said. "But for the princess, the Earth is an even more attractive place due to its imperfections and the fact it is full of life and color." - sur l'Asahi Shimbun

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