Lassé comme beaucoup de gens par une licence Tomb raider poussiéreuse qui s’enlisait depuis longtemps dans une mythologie poussée bien trop loin et des personnages fadasses, je n’avais que moyennement apprécié un Tomb Raider Underworld pourtant correct. Un reboot fut donc la meilleure nouvelle possible, et le premier trailer et son ambiance mature et réaliste promettait monts et merveilles.
Un mauvais buzz sexiste basé sur une simple seconde d’extrait aura ensuite entaché l’attente du jeu par un combat entre féministes et presse vidéo ludique. Et vint enfin la sortie du jeu qui divisa clairement les fans : certains le renièrent et le pointèrent du doigt comme une trahison à la licence et une aventure superficielle et rocambolesque, menée à grand coup de scripts ; et une autre partie du public y vit une référence en terme de jeu d’action et un titre culte pour la PS3. Difficile de faire la part des choses avec tout ça. J’ai donc préféré laissé passer les escarmouches, et par la même occasion attendre que le jeu soit gratuit pour les abonnés au PS+ pour me plonger dans l’aventure.
La naissance d’une survivante
Retrouvant une Lara Croft encore étudiante, on prend plaisir à déceler fragilité et naïveté dans ce personnage trop souvent lissé par le passé. Une jeune étudiante, donc, qui participe à une expédition archéologique à la recherche du Royaume du Yamataï. Un monde perdu où Himiko, la Reine des Tempêtes veille. Et alors que Lara avait convaincu l’équipage de s’enfoncer dans le triangle du Dragon, les vents se déchaînent et le bateau s’échoue une île perdue peuplée de mercenaires dirigés par Mathias, un prêtre fou qui organise des rituels étranges. Responsable du naufrage et de la mort de plusieurs personnes, Lara va devoir se battre pour sauver ceux qui restent et apprendre vite, très vite, à survivre dans ce milieu hostile.
Un scénario simple propice à quelques rebondissements assez classiques, mais faisant la part belle à l’évolution de Lara. Des thématiques fortes qui vont être abordées avec quelques maladresses, malheureusement. Même plusieurs mois après, impossible de ne pas comparer Lara à Ellie, l’héroïne de l’épatant The last of us. Et si la trame globale de l’aventure et la symbolique des situations sont fortes et intenses en émotions, on est bien souvent sorti de l’ambiance au début par une mise en scène et des jeux d’acteurs un peu aléatoires. Plusieurs passages comme la première grosse blessure, le premier gibier de chasse ou bien le premier humain tué auraient mérité des scènes plus posées, plus longues, pour laisser au joueur le temps de vivre profondément la scène. Mais je conçois que ne pas arriver à être au niveau de The last of us est loin de vouloir dire que c’est mauvais, loin de là.
Au passage, il n’y avait comme je le pensais strictement aucune raison de crier au loup niveau sexisme. Laisser le doute et accorder un minimum de confiance envers le travail des développeurs jusqu’à la sortie du titre permet de se rendre compte avec plaisir d’une totale absence de sexualisation injustifiée de l’héroïne. Une volonté évidente et rafraîchissante de couper les ponts avec l’ancienne icône à la popularité mammaire, et de créer un personnage fort et complet.
La mayonnaise prend donc malgré tout et une grande empathie se développe envers une Lara malmenée (un peu beaucoup même, au début), qui va apprendre à serrer les dents, à ne jamais abandonner et à se battre.
De petites incohérences pas bien graves, également, mais qui cumulées gênent un peu, parfois. Et une VF (tout comme la VO) qui est très correcte durant la majorité du temps, mais pêche en conviction durant les monologues. La musique est quand à elle de qualité, et les thèmes principaux restent bien dans la tête.
Visuellement, c’est magnifique. L’île est détaillée, vivante par sa faune et ses éléments, et on a de cesse de scruter le décor à l’affût de petits détails en tout genre. La gestion de l’eau et du feu est excellente et le temps changeant est bluffant. Les explosions sont impeccables et un grand bravo aux effets de vent particulièrement mis à l’honneur vu le scénario. Les passages dans des habitations accrochées en bord de falaise, et balayés par des vents extrêmes qui font trembler toutes les planches sont mémorables.
Un semi-Open World à explorer
Le plus gros souci du jeu n’est au final qu’une question de promesses mal formulées. Que ce soit par une communication avant la sortie du jeu ou par les thématiques abordées, on est logiquement dans l’attente d’un aspect survie poussé et d’un aspect exploration libre. Sauf que pas du tout ! Et du coup, déception. Mais passé cette attente non comblée, il faut faire l’effort de revenir sur ses désirs et de se mettre à apprécier ce que le jeu nous offre, tout simplement. Et le jeu nous offre du bon, du très bon.
En effet, ce nouveau Tomb Raider, n’est absolument pas un survival. Pas de crafting ou de chasse poussée, tout se transforme en XP et en matériel pour upgrader ses armes.

Les phases d’escalade où tout s’écroule sous nos pieds font évidemment penser à Uncharted… et sont aussi bien menées.
Peu d’infiltration également, sauf en des passages designés pour. Nous avons affaire avant tout à un jeu d’action, et ce n’est que par l’histoire et les cut-scenes que la portée survie est réellement traitée dans sa complexité. Les phases in-game se concentrent, elles, sur une survie combative. Et cela marche parfaitement. Les combats sont rapides, mouvementés, et le joueur doit se servir de son environnement pour avancer et se battre. Les sensations des armes sont excellentes et l’arc va vite devenir votre meilleur ami.
Un seul aspect fait cruel (mais petit) défaut à mes yeux, l’absence de cover system volontaire. En effet, Lara va se baisser automatiquement près d’un obstacle pour s’y cacher si les ennemis sont proches, mais cette automatisme est forcément soumis à une I.A. jamais parfaite.
De plus, le fait de ne pas contrôler cette acte de se baisser réduit l’impression de furtivité et la sensation de contrôle dans les esquives. Je comprends la volonté d’avoir voulu innover avec un accroupissement bref au lieu de constant, permettant un mix entre roulade et esquive (surtout en en profitant pour ajouter la feature de jeter du sable au visage des gardes dans le même mouvement), mais le fait est que l’ensemble est quand même un poil moins convaincant qu’un Uncharted niveau jouabilité.
Mais si le côté bagarre a ce petit défaut, le titre tire son épingle du jeu par un aspect exploration très poussé et intelligent. Et ce grâce à un level-design qui frôle la perfection sur tous les plans. Chaque zone propose plusieurs chemins d’exploration pas tout le temps évident à visualiser, propice à la recherche d’items collectionnables en tout genre.

Là où Lara passe, tout finit par exploser, brûler, s’effondrer… la marque des grands aventuriers ! XD
On passe un temps fou à chercher à accéder à de nouvelles zones, à escalader à tout va, et ce grâce à des compétences et gadgets appris au fur et à mesure de notre traversée. Si l’aventure est globalement scriptée, on est sans cesse motivé à revenir sur nos pas, et à aiguiser notre vision pour profiter sans agacement de décors parfaitement construits.
Un aspect exploration qui donne clairement du relief au jeu et évite de ressentir négativement la trame narrative unique et l’avancée scriptée du jeu. Le soft est assez simple et peu frustrant, et la durée de vie est plus qu’acceptable.
Je ne parlerai pas vraiment du multijoueur, n’y ayant joué qu’une petite heure, le temps de voir les limites évidentes du mode. Les idées sympathiques semblent présentes avec des pièges à activer, des micro-événements qui ponctuent la partie et des maps assez efficaces, mais les sensations ne sont pas au rendez-vous. Les gunfights sont plats, l’ambiance musicale inexistante, et la lassitude pointe vite son nez. Un multi très dispensable comme dans beaucoup de jeux, à mon avis.
En conclusion, je fais donc partie des joueurs qui saluent bien bas la performance de ce nouveau Tomb Raider. Un beau coup de jeune pour la franchise, une maîtrise sur quasiment tous les plans, et des personnages passionnants posés pour une éventuelle suite que j’attends avec impatience. Et comme la petite faiblesse de gameplay et d’immersion est largement compensée par un level-design parfait, je ne peux qu’admettre qu’Uncharted doit faire de la place à une Lara qui en veut sur le podium. Allez, fais pas la tête, Nathan, tu sais que c’est quand même toi que je préfère… à quand un spin-off réunissant les deux personnages ?
