Quantcast
Channel: Nanami.fr - flux général
Viewing all articles
Browse latest Browse all 14946

Le Chapelier Fou - Manga! Manga!: The World of Japanese Comics

$
0
0

Comme annoncé précédemment, j’arrête de publier des billets purement informatifs, sur l’histoire du manga, ses spécificités, etc… Mais cela ne signifie pas que je vais laisser en rade les lecteurs curieux ! Aujourd’hui, nous allons donc parler ouvrage de référence.

Je suis quelqu’un de paradoxal. Même quand je me passionne pour un sujet, je ne vais pas forcément ressentir le besoin de me documenter à son propos. Et c’était déjà le cas à l’époque où je n’utilisais pas internet. J’y vois plusieurs raisons : inconsciemment, je dois préférer me concentrer sur les œuvres qui m’intéressent plutôt que sur celles qui en parlent, et surtout, ce que je dépense pour un tel livre, j’aurais pu le dépenser pour une des œuvres en question. Pour vous donner une idée, alors que j’avale des kilomètres de film depuis l’école primaire, je n’ai lu mes premiers ouvrages sur le cinéma – Sexe, Mensonges, et Hollywood et Le Nouvel Hollywood– qu’en 2013. Par contre, j’apprécie énormément les documentaires, donc il m’arrive fréquemment de joindre l’utile à l’agréable.

Et pour les manga ? Pareil. Je n’ai lu que deux livres sur le sujet, et je n’ai payé aucun des deux. Le premier car il me fût offert par l’ami Ialda– que je remercie chaleureusement au passage – et le second car j’y ai contribué. Honnêtement, ce dernier ne présente pas grand intérêt – je dirai qu’il souffre d’un soucis de cohérence éditoriale – par contre, j’ai souvent vu l’autre présenté comme un incontournable, et l’introduction parfaite au monde merveilleux des manga. Je vais donc vous parler de Manga! Manga!: The World of Japanese Comics. Alors oui, c’est en Anglais. Mais rien qui ne doit vous rebuter, il est parfaitement accessible avec un niveau lycée.
Quelques mots sur l’auteur. Frederik L. Schodt est un Américain qui passa plusieurs années au Japon avec sa famille, où il apprit le Japonais ; il devint plus tard interprète, puis traducteur lorsqu’en 1977, il contacta Tezuka Prod pour publier Phénix en langue anglaise. Son travail inclura notamment La Rose de Versailles, Astro Boy, Gen d’Hiroshima, et plus récemment Pluto.

En 1983, il écrit Manga! Manga!: The World of Japanese Comics, sur l’histoire de ce média et ses particularités. L’ouvrage est préfacé par Osamu Tezuka en personne, qui s’y montre étonnamment lucide sur le devenir du manga sur la scène internationale, citant notamment Goldorak en Français dans le texte.
Alors, certes, vous pensez sans doute que le livre date et ne correspond plus aux réalités d’aujourd’hui. Ce à quoi je répondrai trois choses : que le texte a été actualisé à plusieurs reprises (en particulier concernant les chiffres présentés), que ce qu’il raconte est toujours vrai, et surtout, qu’il faut prendre son âge comme un atout. En effet, il fût écrit alors que ce média était balbutiant en Amérique, ce qui lui permet d’aborder le sujet sans aucun à priori, indépendamment de tout phénomène de mode, et sans se sentir obligé de traiter telle ou telle œuvre sous prétexte qu’elle a eut un impact aux USA. Par exemple, il consacre un chapitre entier aux manga de Salary-men, un genre tellement obscur en dehors du Japon (malgré son succès là-bas) que peu d’auteurs oseraient désormais l’évoquer.

Frederik L. Schodt nous livre une étude du manga, à la fois d’un point de vue historique – avec ses influences, ses auteurs et ses œuvres marquantes, etc… – même bien avant la naissance de Rakuten Kitazawa, mais aussi d’un point de vue sociale et bien entendu éditoriale. Il revient sur l’impact de ce média au Japon, sur ses différentes catégories, ses genres phares, et conclue son ouvrage avec plusieurs chapitres de manga, traduits spécialement pour l’occasion et témoignant de leur richesse ; nous y trouvons non seulement des extraits de Phénix, La Rose de Versailles, et Gen d’Hiroshima, mais aussi Ghost Warrior de Leiji Matsumoto. L’auteur a effectué un travail extrêmement documenté sur place – ce qui lui a permis de s’entretenir avec de nombreux professionnels de l’industrie – et le résultat s’avère absolument passionnant.
Bien entendu, il manque des informations puisque 30 années ont passé, mais j’estime qu’elles ont été plus marquées par le succès de certaines œuvres – lesquelles, comme Dragon Ball, auront un impact sur le reste de la production – et à la rigueur par l’émergence de la scène amateur, que par de réels bouleversements. Cela ne lui porte donc absolument pas préjudice.

Là où Manga! Manga!: The World of Japanese Comics possède effectivement un défaut notable, c’est dans la frustration qu’il risque de provoquer chez son lecteur. Et encore, je pense que ce fût encore pire à l’époque de sa première publication.
Comme je vous l’ai dit, l’auteur ne part d’aucun à priori, notamment concernant les œuvres qu’il peut/doit aborder ou non. Il se contente de mesurer leur impact ou à quel point elles sont représentatives de la production d’une époque, et c’est en fonction de cela qu’il décide de les citer ou non, voire de les détailler. Aujourd’hui, il pourrait être tenté de se focaliser sur les titres publiés en Amérique, mais au début des années 80, la question ne se posait même pas : il n’y avait tout simplement pas – ou du moins, pas assez – de manga disponibles en langue anglaise. Résultat, il nous parle d’énormément de séries apparemment excellentes, il nous donne envie de les lire, mais à moins de parler Japonais, c’est strictement impossible.
Et n’imaginez pas que, avec l’explosion du marché du manga en France, il est devenu plus aisé de trouver les titres en question : nous parlons de séries lancées avant 1983, donc qui pour la plupart n’intéressent ni les lecteurs, ni les éditeurs. Hormis quelques auteurs spécifiques – Osamu Tezuka, Shigeru Mizuki, Shotaro Ishinomori, et à la rigueur Hiroshi Hirata – vous ne les trouverez pas chez nous. Estimons-nous déjà heureux d’avoir Ashita no Joe !

Manga! Manga!: The World of Japanese Comics constitue l’ouvrage de référence idéal pour en apprendre plus sur les manga, et à travers eux sur le Japon lui-même. Le livre est tout à la fois érudit, accessible, et passionnant. Je vous le recommande chaudement, et je précise que je ne suis pas sponsorisé par un éditeur quelconque pour vous dire ça.
Pour ma part, il m’a donné terriblement envie de découvrir Fire! de Hideko Mizuno, mais c’est mort de chez mort.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 14946