Souvenez-vous. L’année dernière, je m’alarmais suite à plusieurs annonces de l’éditeur Tonkam. Il est temps de faire le point.
Jadis éditeur indépendant, Tonkam a été progressivement racheté par Guy Delcourt, qui devient actionnaire majoritaire en 2005. Si, dans un premier temps, ce changement de direction s’est surtout accompagné d’une meilleure distribution, Tonkam sembla conserver son autonomie, du moins en façade. Malheureusement, une diminution des ventes – consécutive à la fin de ses plus gros succès et à des difficultés pour renouveler le catalogue – puis des arrêts de commercialisation frappant quelques-uns des titres historiques du marché français, ont mis à jour une vérité inquiétante : Tonkam ne va pas bien. Nous sommes alors en 2013, et la situation ne fera que s’aggraver.
En effet, depuis mon précédent article sur le sujet, nous ne pouvons pas dire que l’éditeur – ou plutôt l’ex-éditeur – nous ait donné beaucoup de motifs d’espoir. Bien au contraire.
Première préoccupation : leur comportement. Un comportement étonnant, voire ahurissant, signe de tensions et de problèmes internes, qui n’a pas été sans me rappeler celui de l’équipe d’Akata peu avant l’officialisation de leur « divorce » avec Delcourt.
Et c’est sur Facebook que tout commence, avec cette déclaration :
Il est important de savoir que ces réponses sont uniquement destinées aux lecteurs de manga Tonkam présents sur notre Facebook. Elles ne sont aucunement destinées aux visiteurs des différents sites qui vont les relayers. En général, nos réponses suscitent un grand nombre de commentaires provenant de personnes qui ne lisent jamais de mangas des éditions Tonkam. Je tiens donc à mettre les choses au point avant que certain(es) ne s’empressent à pratiquer ce sport national qui consiste à nous taper dessus.
Que pouvons-nous tirer de ce cours laïus ? Déjà, nous noterons de la paranoïa, un délire de la persécution. Ils partent clairement du principe que toute personne qui dit du mal d’eux, est une personne qui ne lit pas leurs manga. Plus fort : toute personne qui lit leurs manga les suit sur Facebook, donc ils n’ont pas besoin de communiquer via d’autres plate-formes.
Sur ce dernier point, vous me permettrez de le prendre mal à titre personnel. Effectivement, je n’ai jamais fait secret de mon désintérêt pour ce réseau social, ce qui voudrait donc dire que je ne suis pas lecteur de séries Tonkam. Alors que j’ai acheté mes premiers tomes à l’époque où ils faisaient de la vente par correspondance, soit bien avant l’apparition et la démocratisation de Facebook. Et pour ceux qui se le demandent, oui, je continue à acheter des titres chez eux.
Comme vous pouvez l’imaginer, ces déclarations seront largement commentées ailleurs sur la toile, notamment sur Manga-News. Ce qui poussera Pascal Lafine à apporter une réponse. Morceaux choisis.
Comme nous le pensions vous avez été très virulents à notre égard.
Depuis sa création, Tonkam a toujours été l’éditeur que l’on aime détester.
Facebook est aujourd’hui notre seul moyen de communication.
Notre joie, c’est de savoir qu’au milieu de tous ces dédales de critiques, il y a des gens qui nous aiment et nous soutiennent. Cela vaut bien plus que d’être aimé parce que l’on a publié Naruto, One pièce…
Voilà, Tonkam c’est depuis 20 ans : choisir des titres plus ou moins commerciaux mais qui sont à contre-courant. Se faire taper dessus pour notre franc parlé.
Que voulez-vous rajouter après ça ? Sinon un mot : pitoyable. Tonkam a longtemps été l’éditeur le plus présent sur mes étagères, ce alors que je n’ai eu accès à son catalogue en magasin pour la première fois en 2003, soit plusieurs années après avoir entamé mon voyage au pays des manga. J’adore ce catalogue, ou du moins je l’adorais, car beaucoup des titres concernés sont aujourd’hui en arrêt de commercialisation. Je comprends que cela énerve Pascal Lafine de voir l’entreprise être rachetée par un grand groupe, les ventes diminuer, Kodansha couper les ponts avec eux, et une de leurs auteurs fétiches – Kaori Yuki – passer chez ce même Kodansha (donc chez Pika). Mais ce n’est pas une raison pour communiquer n’importe comment ou déverser son fiel sur des lecteurs qui n’ont rien demandé.
Dans un style différent, le coup de grâce est porté le 27 Janvier dernier, toujours via Facebook. L’annonce est un peu longue, mais je vous la propose en intégralité. Je vous retrouve ensuite.
Petits anecdotes de 20 ans de Tonkam
Cette année, Tonkam a 20 ans et nous sommes à l’heure des bilans. À compter de maintenant, nous allons vous raconter des anecdotes des années passées. Pour commencer, nous avons ressorti compilé une liste de tous les titres que nous avons demandés auprès de nos partenaires japonais. En deux décennies, nous avons signé quelques belles réussites et essuyé quelques refus. Voici la liste, c’est assez étonnant.
Les grandes réussites sont :
1/ Video Girl, 2/ X , 3/ Hikaru no go , 4/ Cyber Weapon Z, 5/Gantz, 6/Vagabond, 7/ Fushigi Yugi, 8/ Angel Sanctuary 9/Parmi eux, 9 10/ Special A.
Voici la liste des titres qui nous ont été refusé :
EN SHONEN :
Death Note de Takeshi Obata
D. Grey Man de Katsura Hoshino
Macross Trash de Haruhiko Mikimoto
One Piece de Eiichiro Oda
Monster hunter senko de Keiichi Hikami
Super Mario-kun de Yukio SAWADA
Shaman king de Hiroyuki Takei
Tales of innocence de Hiroyuki Kaido
Nisekoi de Naoshi KOMI
Ansatsu Kyôshitsu (Assassination Classroom) de Yusei MATSUI
One punch-man de Yusuke MURATA
Full métal Alchemist de Hiromu Arakawa
Dragon quest Roto no Mosho de Kamui Fujiwara
Dragon quest Eden no senshitachi de Kamui Fujiwara
Soul Eater de Atsushi Ohkubo
Professeur Layton – Yukai na jiken de Naoki SAKURA
Professeur Layton – Mayoi no mori de Sho KICHIJOJI
Inazuma eleven de Tenya YABUNO
Claymore de Norihiro Yagi
Gintama de Hideaki Sorachi
Fire emblem de Izawa Hiroshi
Hatsukoi Limited Mizuki Kawashita
Kyôkai no Rinne de Rumiko Takahashi
Marine hunter de Shiro Ohtsuka
Kure-nai de Yamato YAMAMOTO
Tista de Tatsuya ENDO
Shiki de Ryu FUJISAKI
Macross Frontière de Hayoto Aoki
Star ocean de Akira Kanda
Seirei no moribito de Kamui FUJIWARA
Kingdom Hearts Final mix de Shiro Amano
Umisho de Mitsuru HATTORI
Brazer Drive de Seishi KISHIMOTO
Monster Hunter Orage de Hiro MASHIMA
Rave de Hiro Mashima
Pastel de KOBAYASHI Toshihiko
Duel master Rev. de Shido KANZAKI
Biorg trinity de Tetsuya SARUWATARI
Touch de Mitsuru Adashi
Rough de Mitsuru Adashi
Letter bee de Hiroyuki ASADA
St Seiya THE LOST CANVAS Meioh shinwa de Shiori TESHIROGI
Beet the Vandel Buster de Kôji Inada
Love Hina de Ken AKAMATSU
Captain Tsubasa de Yoichi Takahashi
Captain Tsubasa: Road to 2002 de Yoichi Takahashi
Bastard !!de Kazushi Hagiwara
Neon-genesis evangelion de Yoshiyuki Sadamoto
Le Roi Léo de Osamu TezukaEN SEINEN :
Angel heart de Tsukasa HOJO
Kerberos panzer cop de Kamui FUJIWARA
Animan cal livs de PARK Sung-Woo
Fire fire fire de Shouji Sato
Master keaton de Naoki URASAWA
Ex-Vita de Shinya KOMI
Bio Hazard Marhawa desire de Naoki SERIZAWA
Momoider de Toru FUJISHIMA
Btooom! de Junya Inoue
Black Lagoon de Rei HIROE
Ikigami de Motoro MASE
Niragi kioumaru de SAKAMOTO Shinichi
Unclucky Young men de Kamui Fujiwara
Appleseed de Masamune SHIROW
Family compo de Tsukasa HOJO
Piece de Masamune Shirow
Gangsta de Kohske
Area D de Kyoichi NANATSUKI
Dragon Quest : Sola in the blue sky de Yuki NAKAJIMA
Kamen teacher de Toru FUJISHIMA
Guin Saga de Hajime SAWADA
High School of the Death de Daisuke Satō
Pluto de Naoki URASAWA
Ikki Mandara de Osamu Tezuka
Terra Formars de Kenichi TachibanaThe art of Tonari no Totoro (Mon voisin Totoro).
The art of Kurenai no Buta (Porco Rosso)
The art of Sherlock Holmes
The art of Sen to Chihiro no Kamikakushi (Voyage de Chihiro)
Artbook TIGER & BUNNY Masakazu Katsura Design Work
Essentiel Evangelion chronicleEN SHOJO :
Fruits Basket de Natsuki Takaya
Arata kangatari de Yuu WATASE
Zettai Kareshi (Lui ou rien) de Yuu Watase
L’Arcane de l’aube de Rei Toma
Gate seven de Clamp
Switch Girl de Natsumi AIDA
Ouji to Majo to Himegimi to (Prince, Witch ans Princess) de Kou MATSUZUKI
Mishonen Produce de Kaoru ICHINOSE
Monochro Shonen Shojo de Ryoko FUKUYAMA
Creamy mami de Yuko KITAGAWA
Attacker you de Jun MAKIMURA
Iiki no ki de Kaori YUKI
From five to nine de Miki AIHARA
Kobato de Clamp
Himegimi to sanbiki no kemono de Mitsubachi MIYUKI
Shitsuji-sama no Okiniiri de Izawa Rei
Harukanaru toki no naka de Misuno Tôko
07 Ghost de Yuki Amemiya
Amatsuki de Shinobu Takayama
Dolls de Saki Otoh
AÎ wo utauyori Ore ni oborero! de Mayu SHINJO
Urugiri wa boku no namae wo shitteiru de Hotaru ODAGIRI
Piece de Hinako ASHIHARA
Strobe Edge de Sakisaka Io
Akuma to Love Song de TOMORI Miyoshi
Stardust Wink de Nana Haruta
Shori no akuma de Yoko MAKI
Deka wanko Kozueko MORIMOTO
Hakushaku to yoseiAKUSHAKU TO YOSEI (The Earl and The Fairy) de AYUKO
Library Wars de Hiro Arikawa
Jyunjyo Romantica de Shungiku Nakamura
Kuro Shitsuji (Black Butler) de Yana TOBOSO
Shinigami no ballad de Asuka IZUMI
Koïbumi biyori de George ASAKURA
Aï wo utauyori Oré ni oborero de Mayu Shinjo
Ojousama wa Ohimesama de Megumi HAZUKI
Heroine Shikkaku de Momoko KOUDA
In thèse words de GUILT PLEASURE
Ore Monogatari de Kazune Kawahara
Gakuen Alice de Tachibana HIGUCHI
Otomen de Masaki Okada
Honey & Clover de Chika Umino
Rose de Versailles de Riyoko Ikeda
Black bird de Kanoko Sakurakouji
Clover Trèfle de Clamp
Alice 19th de Yuu Watase
Karneval de Touya MIKANAGI
Drug & Drop de Clamp
Entendons-nous bien : il existe de nombreuses raisons qui peuvent expliquer pourquoi une maison d’édition ne peut acquérir une titre. Car elle ne remporte pas l’enchère face à ses concurrents, car les principaux éditeurs japonais ne travaillent qu’avec un nombre limité de partenaires français, car son offre n’est pas jugée suffisante (même si elle est la seule à en faire une), car elle n’apporte pas les garanties nécessaires, car l’auteur ne souhaite tout simplement pas vendre sa série à l’étranger, ou même car un problème de droits bloque sa diffusion à l’internationale (c’est sans doute le cas pour Super Mario-kun). Sauf qu’ici, Tonkam le présente comme une affaire personnelle : les Japonais ont refusé de leur donner à eux en particulier, sans autre explication.
Aucun éditeur n’a pu obtenir toutes les séries qu’il désirait. Mais ces choses-là ne se disent pas, ce sont les règles du jeu. Tout au plus, nous apprenons que les négociations ont été tendues pour obtenir Sailor Moon ou l’adaptation de Resident Evil, ou encore qu’un projet marketing ambitieux a permis à un débutant de récupérer Fullmetal Alchemist.
Notons au passage que certains titres dont ils reprochent aux Japonais de ne pas leur avoir cédé les droits, ont été récupérés directement par Delcourt alors qu’ils appartenaient déjà au groupe. Notons aussi qu’ils préfèrent être aimés pour leur travail et non parce qu’ils publient « One Pièce », mais ils avaient quand même fait une demande pour le titre. Sans dec’.
Quant à la raison derrière cette colère, déraisonnable et désastreuse en terme de communication, il faut la chercher du côté d’Amazon. En effet, sur le célèbre site de vente en ligne, les manga Tonkam sont passés de ça :
- « Editeur: Tonkam ; Collection: Frissons » (X, Tome 17),
à ça :
- « Editeur: Delcourt ; Collection: Tonkam » (The Memories of Sledge Hammer),
et même ça :
- « Editeur: Delcourt ; Collection: Young [Tonkam]« (Dance in the Vampire Bund, Tome 1).
Car oui, c’est officiel : Tonkam n’est plus un éditeur, mais une collection, un label de Delcourt. Pour l’instant, le changement est imperceptible : Tonkam continue ses séries en cours, et d’en proposer de nouvelles en son nom. Mais ce qui importe, c’est le symbole : car le statut d’éditeur suggère une indépendance, mais pas une collection. J’ignore ce qu’il en est en interne, si Pascal Lafine doit désormais rendre des comptes à Pierre Valls – qui s’occupe du catalogue manga de Delcourt depuis la séparation avec Akata – et si son destin est de se spécialiser bon gré mal gré dans le Young, mais les faits sont là : le Tonkam que nous connaissions a disparu.